campagne donnèrent naissance à ces recherches historiques où, pratiquant le libre examen à la manière de Bayle, il en vint à poser les fondemens de l’incrédulité systématique qu’on devait appeler bientôt philosophie. Vers le même temps, nous rencontrons enfin Voltaire. Il écrit de Blois à Thiriot (2 janvier 1722) : « Il faut que je vous fasse part de l’enchantement où je suis du voyage, que j’ai fait à La Source chez milord Bolingbroke et chez Mme de Villette. J’ai trouvé dans cet illustre Anglais toute l’érudition de son pays et toute la politesse du nôtre. Je n’ai jamais entendu parler notre langue avec plus d’énergie et de justesse. Cet homme, qui a passé toute sa vie dans les plaisirs et dans les affaires, a trouvé pourtant le moyen de tout apprendre et de tout retenir. Il sait l’histoire des anciens Égyptiens comme celle d’Angleterre ; il possède Virgile comme Milton, il aime la poésie anglaise, la française et l’italienne, mais il les aime différemment parce qu’il discerne parfaitement leurs différens génies. Après ce portrait que je vous fais de milord Bolingbroke, il me siéra peut-être mal de vous dire que Mme de Villette et lui ont été infiniment satisfaits de mon poème (la Henriade). Dans l’enthousiasme de leur admiration, ils le mettaient au-dessus de tous les ouvrages de poésie qui ont paru en France ; mais je sais ce que je dois rabattre de ces louanges outrées. »
Bolingbroke ne quittait La Source que pour quelques voyages à Paris. Il ornait son nouveau séjour selon le goût de son temps, et de là il envoyait à ses amis d’Angleterre des épîtres empreintes d’une philosophie quelque peu affectée : « Je vis dans un plus petit cercle, écrivait-il à Swift, mais je pense dans un plus grand. » Il traduisait avec assez de facilité en vers anglais un fragment de la première épître d’Horace ; il multipliait les citations de toutes sortes pour démontrer qu’il était ferme et serein, décrivait le lieu de sa résidence, son habitation, qui tenait le milieu entre le château et la maison bourgeoise, les embellissemens qu’il projetait d’y faire, et consultait sur les inscriptions latines en son propre honneur qu’il voulait y graver sur le marbre. Cependant, les yeux toujours fixés vers sa patrie, il finit par y envoyer sa femme. Elle y trouva Walpole premier ministre (1723).
À ce moment, les jacobites, habitués à s’exalter pour des causes frivoles, avaient couru une telle joie de la naissance d’un fils du prétendant, qui fut appelé Charles-Édouard, qu’un comité de direction s’était formé dans leur sein, et qu’il y fermentait des projets qualifiés par la loi de haute trahison. Le roi George n’avait aucune popularité. Des rassemblemens à Londres avaient fait entendre le cri : « Haute église et Stuarts ! » Le gouvernement s’était vu forcé de dénoncer et de poursuivre la conspiration. Atterbury, l’évêque de Rochester