Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/1143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commence par Walpole et finit par Chatham, fut un grand règne. Sa grandeur ne vint pas du roi, mais le roi n’y fit pas obstacle, et George II est sans comparaison le premier des princes que l’Angleterre ait eus dans tout le cours du XVIIIe siècle.

Walpole avait aperçu de bonne heure le mérite de la reine et son crédit sur son époux, Bolingbroke ne pouvait manquer de s’y tromper et de croire que l’influence était ailleurs, puisque le roi avait une maîtresse. Henriette Howard ou lady Suffolk était belle ; elle avait de la bonté, un caractère doux, le goût de l’esprit avec peu d’esprit et de la conversation, quoiqu’elle fût sourde. Tous les poètes de l’opposition la célébraient à l’envi, et Swift lui écrivait. On le retint même en Angleterre au moment où il voulait faire le voyage de Paris. Sa présence pouvait être nécessaire pour ce qui se préparait. « On n’a pas été aussi inactif que vous l’imaginez, lui dit Bolingbroke dans un billet. Partir en ce moment pour Paris n’aurait pas le sens commun. « - « Il y a ici mille projets dans lesquels on voudrait m’engager et que j’embrasse froidement parce qu’aucun ne me plaît, » écrivait le doyen à un de ses amis d’Irlande, Bolingbroke avait repris auprès de lady Suffolk le manège commencé avec la duchesse de Kendal. Lord Chesterfield, qui s’était de longue main ménagé la faveur de la petite cour de Leicester-House pour être secrétaire d’état lorsqu’elle serait la cour de Saint-James, fit comme lui fausse route, et crut la protection de la favorite meilleure que celle de la reine. Ces deux hommes, faits pour s’entendre et pour se plaire par l’esprit, se rapprochèrent alors, et tous deux se mirent à ourdir la trame que détruisait à mesure que Pénélope qui ne l’avait pas tissée. D’échec en échec, cette cabale de gens habiles finit par réduire ses prétentions à un titre de comte pour un ami, lord Bathurst. Lady Suffolk n’eut pas même la puissance d’arracher cette faveur, et il fallut bien s’avouer qu’on n’avait rien gagné au nouveau règne, Bolingbroke retourna philosopher à la campagne ; mais il n’était point las d’intriguer ni d’écrire, et il employa huit longues années à perdre encore une fois la partie.

Le Craftsman était sa ressource. Sa collaboration fut active, et elle eut un grand succès. N’en déplaise à son talent, nous ne pouvons le suivre dans un journal. La presse périodique décrit et juge dans leur formation successive les événemens que l’histoire considère surtout dans leurs résultats, et elle composé ainsi des éphémérides de la politique courante qui avec le temps deviennent obscures et fastidieuses. Du moins ne peuvent-ils reprendre leur intérêt, si l’on ne se replace jour par jour dans les idées, dans les passions et, pour tout dire, dans les erreurs des contemporains. Ce serait demander au