que sir Robert Walpole le voulût, et qu’il le voudrait, si le roi lui disait qu’il le fallait. « Sir Robert est là, ajouta-t-il, à deux ou trois pièces seulement de ce cabinet ; ordonnez qu’on l’appelle, et je répéterai tout en sa présence, et le convaincrai, devant votre majesté, que la chose peut se faire. — Non, non, dit vivement le roi, ne l’appelez pas. » Walpole en effet attendait dans un salon voisin. Lechmere survint ; il avait, comme chancelier du duché de Cornouailles, à demander au roi quelques signatures. Il était mal avec Walpole depuis que ce dernier lui avait refusé l’héritage du chancelier Macclesfield. Il apprit avec étonnement quel personnage avait une audience en ce moment, et, dès qu’il le vit sortir, il entra brusquement dans le cabinet du roi, et sans excuse ni préambule il éclata violemment contre Walpole, qui, non content du mal qu’il faisait lui-même, introduisait à la cour un homme pire encore que lui, pour lui servir d’assistant ; puis il partit outré, sans avoir songé à parler d’autre chose. Quand Walpole entra à son tour, il trouva le roi, que cette scène avait tellement amusé, qu’on n’en pouvait rien tirer de sérieux, et qu’à toutes les questions sur ce que Bolingbroke avait dit, il répondait ces mots français : « Bagatelles, bagatelles ! »
Le ministre, malgré le peu de succès de cette première tentative, n’était pas sans inquiétude. Il voyait grossir le nuage de l’opposition ; il craignait que la duchesse de Kendal, conduite par un homme artificieux et persévérant, ne fît à la longue quelques progrès dans l’esprit du roi. Que seulement Bolingbroke obtint ce qu’il réclamait à titre de promesse, sa rentrée à la chambre des pairs, et il y pouvait conclure avec lord Carteret l’alliance formée par Wyndham à la chambre des communes avec Pulteney. Une coalition formidable était aussitôt sur pied. On a dit même que Walpole s’était vraiment cru en péril ; mais il fut sauvé ou plutôt raffermi par un événement qui parut d’abord décider sa perte.
Le roi mourut subitement dans un voyage en Hanovre (juin 1727). Son fils avait depuis longtemps perdu toute sa bienveillance, et quoique dans leurs différends le ministre eût ménagé et quelquefois servi le prince de Galles, un nouveau monarque pouvait vouloir un nouveau gouvernement et prendre ses conseillers hors du cercle des serviteurs de son père. Telle fut en effet sa première pensée, et Walpole fut un instant remplacé ; mais auprès de George II veillait une femme d’un esprit remarquable et d’un caractère supérieur encore à son esprit. Caroline d’Anspach était le bon génie du roi, son mari. Elle avait reconnu tout le prix d’un ministre tel que Walpole, et elle demeura sa constante protectrice. C’est par elle qu’il sut diriger, sans qu’elle se laissât apercevoir, les volontés incertaines d’un prince médiocre, mais droit et sensé. En tout, le règne de George II, qui