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relevée par Henry Pelham, secrétaire de la guerre, et l’adresse votée à 125 voix de majorité[1]. Pendant deux ou trois sessions consécutives, l’opposition, avec un acharnement systématique, harcela le cabinet de ses motions combinées. Le bruit se répandit jusque sur le continent que le ministère n’irait pas loin. Ce filet, si habilement tissu, devait enfin rapporter la majorité à ces pêcheurs d’hommes qui le jetaient avec tant de persévérance ; On crut le montent venu en 1733. Chargé des iniquités vraies ou prétendues de douze ou treize ans d’administration, Walpole avait proposé un nouveau plan d’excise. On sait qu’il faut entendre sous ce nom toute contribution indirecte perçue à l’intérieur sur les objets de consommation. Ces sortes de taxes existaient dès longtemps, elles portaient sur le sel, la drèche et les distilleries ; mais la perception en avait donné lieu à tant de fraudes et d’abus, qu’une réforme parut nécessaire. Cette réforme, Walpole l’avait entreprise ; mais il fut accueilli par une telle explosion de mécontentement public, qu’il réduisit son plan à des mesures concernant le trafic du tabac. Il les fit adopter péniblement, à travers les débats les plus violens, par des majorités décroissantes, et jugeant que la victoire définitive coûterait trop cher, il s’arrêta à moitié route et laissa tomber son projet. Seulement, irrité contre les faibles ou les traîtres qui l’avaient déserté dans une épreuve décisive, il se dédommagea en les frappant. Avec l’intolérance qu’il avait toujours montrée pour les fantaisies d’opposition des gens d’esprit, avec cette jalousie de dominateur qui l’avait successivement privé de l’appui de Pulteney, de Carteret, de Townshend lui-même, il dépouilla lord Chesterfield du titre de grand-maître de la maison royale, et bon nombre de seigneurs, perdant leurs sinécures de cour ou même leurs commandemens militaires, allèrent à l’école des patriotes apprendre le métier du désintéressement.

Ce mélange de concessions et de rigueurs semblait avoir ébranlé le pouvoir de Walpole. À la session suivante, on demanda la réduction

  1. Montesquieu assistait à cette séance. Voici comme il en rend compte : « J’allai avant-hier au parlement, à la chambre basse ; on y traita l’affaire de Dunkerque. Je n’ai jamais vu un si grand feu : la séance dura depuis une heure après midi jusqu’à trois heures après minuit. Là, les Français furent bien mal menés ; je remarquai jusqu’où va l’affreuse jalousie qui est entre les deux nations. M. Walpole attaqua Bolingbroke de la façon la plus cruelle, et disait qu’il avait mené toute cette intrigue. Le chevalier Windham le défendit. M. Walpole raconta en faveur (sic) de Bolingbroke l’histoire du paysan qui, passant avec sa femme sous un arbre, trouva qu’un homme pendu respirait encore. Il le détacha, et le porta chez lui ; il revint. Ils trouvèrent le lendemain que cet homme leur avait volé leurs fourchettes. Ils dirent : « Il ne faut pas s’opposer au cours de la justice ; il le faut rapporter où nous l’avons pris. » (Notes sur l’Angleterre). Cette historiette était pour Bolingbroke la menace