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LA POÉSIE

EN 1853.

La passion des poètes pour le moyen âge paraît s’attiédir. Quelques disciples attardés des doctrines prêchées sous la restauration poursuivent encore la rénovation de l’art gothique ; mais leurs œuvres, si tant est qu’elles méritent ce nom, ne valent pas la peine d’être mentionnées. La croisade entreprise pour la forme réduite à elle-même, vivant par elle-même, se suffisant à elle-même, semble aujourd’hui terminée ; le bon sens public a fait justice des folles espérances proclamées à son de trompe. Chacun comprend aujourd’hui que la forme sans idée n’est qu’un passe-temps puéril, un hochet, et rien de plus. Le moyen âge, comme tous les âges de l’histoire, avait et garde encore son droit de cité en poésie ; mais pour réhabiliter poétiquement le moyen âge selon le programme de la restauration, il fallait quelque chose de plus que l’imitation matérielle des ballades chantées en-deçà et au-delà de la Loire du XIIe au XVe siècle. Réduire la réhabilitation poétique du moyen âge à la peinture de la vie extérieure et négliger la partie humaine, c’est-à-dire la substance éternelle de toute poésie, c’était se condamner d’avance et marcher au-devant d’un échec. Que reste-t-il aujourd’hui de l’école gothique ? Quelques préfaces ingénieuses, quelques pièces lyriques, où la richesse de la rime dissimule aux yeux de la foule l’absence de la pensée. Quand je parle de l’absence de la pensée, je me place au point de vue des esprits vulgaires qui ne sont pas initiés aux secrets de l’école gothique. Je me souviens en effet d’avoir recueilli avec éton-