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À dater de cette heure, nous pouvons dire que nous avons commencé à chasser. Plus de fausses marches, plus de temps perdu ; nous réglions nos mouvemens comme des hommes qui vont à un but marqué par un chemin connu. Ce pays de Porto-Vecchio est admirablement disposé pour la chasse. Il y a moins de chasseurs qu’ailleurs, parce qu’il est moins habité, et la conformation munie du terrain est favorable au gibier. Ces étangs où jamais bateau n’a glissé sont de véritables basses-cours à canards. On les voit de loin s’ébattre au milieu des joncs et des branches avec des cris insolens. Le rouget et le grand col-vert y coudoient la capucine à l’élégante collerette. Les perdrix, si elles sont vivement poussées, ont pour défense ces fourrés impénétrables qu’on appelle du nom spécial d’alcette. En outre, le pays presque tout entier est inculte, et la culture est un puissant moyen de destruction. C’est dans les semées que les bergers s’en vont la nuit pour surprendre les perdrix, portant une planche de chêne-liège sur laquelle est clouée une lanterne à réverbérateur. Abrités derrière l’ombre de la planche, ils vont à travers terres avec précaution, dirigeant le rayon lumineux sur tous les points. Dès que les perdrix aperçoivent la lumière, elles lèvent la tête d’un air curieux, éblouies par ce météore nocturne. Toute la compagnie se dessine alors sur le blé vert. On les prend d’un coup de filet, ou on les décime d’un coup de fusil. Ici, cette chasse meurtrière est impossible, et les perdrix dorment en paix à l’abri des plantes de ciste. Enfin l’absence des habitans pendant les mois de la reproduction laisse la place libre à ces pauvres oiseaux, qui peuvent faire leurs nids sans avoir à craindre d’autres ennemis que les renards et les oiseaux de proie. Dès les premières chaleurs de mai, la fièvre pernicieuse est maîtresse de la plaine, et il faut chercher un refuge dans le haut pays. Aussi presque tous les villages du bord de la mer ont leur pendant sur la montagne.

Che due case tiene
Una ne piove.

« Si on a deux maisons, dit le proverbe corse, il pleut dans l’une. » Dans les deux quelquefois, pourrait-il ajouter, car ces pauvres gens, avec leur maison d’hiver et leur maison d’été, sont logés à faire pitié. Toujours est-il que les perdrix profitent de ce moment pour nicher, et, quand la population redescend des montagnes, les perdreaux ont piqué le vert.

Le voisinage des hauteurs est aussi très favorable au passage des bécasses. La moindre gelée les fait descendre de leurs retraites dans la plaine. « .Montagne poudrée à frimas - bécasse à foison vers les bas. » Ces jours-là, allez au bord des marais de Porto-Vecchio. Elles partent a découvert au-dessus des buissons, et font des crochets au