avoir perdu les occasions d’interventions efficaces. Il serait difficile évidemment de pressentir ce qui peut résulter de ces grands mouvemens des peuples. Ce que nous savons, c’est que, si l’Europe ne retrouve sa liberté d’action et l’instinct de ses véritables intérêts, elle peut être exposée à des déceptions plus cruelles encore. Mais, pour ne parler que de la Russie, quel peut être le moyen d’arrêter ce développement gigantesque, du moins en ce qu’il a de plus menaçant pour l’Europe ? C’est là toujours le difficile quand les crises sont arrivées à un certain degré, un auteur anglais, dans une brochure, — Solution de la question d’Orient, — cherchait récemment une issue ; il la trouvait dans la création d’un empire grec à Constantinople, sous l’autorité souveraine d’un prince chrétien indépendant. L’auteur oublie peut-être un peu qu’on ne crée point des empires et des princes à volonté et à jour fixe. Dans tous les cas, l’intérêt supérieur, c’est que, sous une forme quelconque, sous la forme de l’empire turc actuel ou d’un empire grec indépendant, l’intégrité de l’Orient demeure un fait acquis à la politique occidentale, comme elle est déjà consacrée par le droit. Tout le reste est sujet à discussion. Ce n’est point là d’ailleurs une œuvre facile, et la première condition pour l’accomplir, c’est que l’Europe puisse tourner vers l’étude et la défense de ces grandes questions un peu de ces forces qu’elle use trop souvent à se détruire elle-même en prétendant se rajeunir. Voilà pourquoi l’état ultérieur d’un pays donne presque toujours la mesure de ce qu’il peut au dehors et de l’efficacité de sa politique dans le monde.
La vie intérieure de la France, il est superflu de le dire, est semée de peu d’incidens aujourd’hui, depuis que l’action politique, moins partagée, est soumise à des règles et à des limites qu’il serait difficile de franchir. Elle est organisée pour le repos, comme en d’autres temps elle est organisée pour l’agitation permanente. Les préoccupations actuelles les plus vives peut-être sont celles des affaires du dehors et celles des affaires industrielles, qui réagissent incessamment les unes sur les autres. La Bourse est un bruyant théâtre politique, où l’on a déjà fait assez souvent franchir le Pruth par les troupes russes. Entre ces deux ordres de préoccupations diverses, il resterait peu à dire, si le gouvernement n’avait publié dans ces derniers jours un certain nombre de décrets modifiant l’organisation des départemens ministériels par suite de la suppression du ministère de la police générale, fixant l’état des princes de la famille impériale, soumettant à des conditions nouvelles la décoration de la Légion-d’Honneur et les décorations étrangères obtenues par des Français. Résumons rapidement ces diverses mesures. C’est toujours chose assez grave que de toucher à l’organisation du pouvoir ministériel, qui a déjà subi tant de modifications et de changemens. Combien de fois les administrations ne se sont-elles pas trouvées scindées, les intérêts intervertis et divisés moins encore dans la vue d’un service meilleur que par des considérations politiques accidentelles et peu durables ! Il est cependant curieux de voir comme on finit toujours par revenir à des conditions plus rationnelles, basées sur l’analogie des services, sur l’identité des intérêts. Il y a deux ans bientôt, l’agriculture et le commerce, après avoir formé longtemps une administration spéciale, avaient été rattachés au ministère de l’intérieur ; ils vont aujourd’hui composer, avec les travaux publics, un ministère unique et indé-