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vient aujourd’hui à l’occasion de l’établissement récent d’une ligne de télégraphie sous-marine entre la Hollande et l’Angleterre, de Scheveningue à Harwich. Le télégraphe de l’état est maintenant en communication avec plus de quatre cent vingt villes en Angleterre, en France, en Belgique, en Allemagne, en Italie. Cette accélération des communications est un des stimulans nouveaux du commerce.

Si la Hollande a été un moment sous le poids d’une crise qui pouvait sembler menaçante pour sa constitution même, l’Espagne est depuis plus longtemps déjà dans une situation qu’il serait difficile de caractériser, mais qui n’est point à coup sûr une situation normale. En peu de mois, trois ministères différens se sont succédés ; chacun à son tour est arrivé avec la pensée de modifier la politique de celui qu’il venait remplacer. Au fond cependant, le changement n’était point aussi essentiel qu’on pourrait le supposer. Et en effet quelles modifications sérieuses ont été apportées dans la situation politique de l’Espagne ? Des questions d’un ordre supérieur et touchant à la nature même des institutions ont été posées, elles n’ont été résolues ni dans un sens ni dans l’autre. Aucune réforme n’a été accomplie, il est vrai ; mais ce serait s’aventurer singulièrement de dire que la constitution actuelle en est beaucoup plus intacte. La vérité est qu’il est utile pour l’Espagne que ces difficultés soient franchement étudiées, et se dénouent d’une manière quelconque, pour rétablir un peu de certitude. En attendant, le cabinet actuel vient de passer par une crise nouvelle et d’achever de se compléter, par la nomination de M. Moyano au ministère de fomento, de M. Calderon de la Barca, ministre aux États-Unis, au ministère des affaires étrangères ; M. Luis-Maria Pastor remplace, comme ministre des finances, M. Manuel Bermudez de Castro, qui a donné sa démission. Quelle a été la cause de cette crise. Le cabinet espagnol, il faut bien le dire, a vécu depuis deux mois à une condition, celle de ne point aborder un certain nombre de questions brûlantes, sur lesquelles les divergences étaient faciles à prévoir. Le jour où ces questions ont été abordées, l’antagonisme a éclaté, et c’est la tendance représentée par M. Bermudez de Castro qui a été vaincue, par exemple, M. Bermudez de Castro était d’avis de fixer dès ce moment l’époque de la convocation des cortes, de faire cesser l’espèce de proscription qui pèse encore sur le général Narvaez, de renvoyer aux chambres, conformément à l’opinion du conseil d’état ; la décision à intervenir sur la concession du chemin de fer du nord, enfin d’ajourner indéfiniment les réclamations adressées par les héritiers du prince de la Paix pour la restitution de leurs biens. C’est sur ces divers points que M. Bermudez de Castro s’est trouvé en désaccord complet avec ses collègues, et notamment avec le président du conseil, le général Lersundi. Maintenant le cabinet de Madrid aura-t-il plus d’unité ? Marchera-t-il d’un pas plus ferme ? Parviendra-t-il à se créer une situation assurée en évitant de se prononcer sur les questions les plus essentielles ? C’est, dit-on, l’espoir de M. Egaña, ministre de l’intérieur, d’arriver à un apaisement des partis et des irritations qui permette de résoudre avec plus de liberté les problèmes politiques restés jusqu’ici en suspens. Toujours est-il qu’une telle situation ne saurait se prolonger longtemps sans que les plus sérieux intérêts à l’Espagne ne finissent par eu ressentir les contre-coups.