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pour un esprit aussi industrieux. L’école de Venise, qui ne saurait entrer en balance avec les écoles de Florence et de Rome sous le rapport de l’élévation et du style, n’a rien à démêler avec la manière de Rembrandt.

S’il y avait dans l’Italie une école à choisir pour y chercher les origines de ce talent singulier, ce serait à Parme qu’il faudrait s’adresser ; encore faudrait-il bien se garder de pousser trop loin la comparaison des procédés. Si les fresques d’Allegri rappellent en effet dans plusieurs parties, je devrais dire présagent, la manière de Rembrandt, il serait puéril de rapporter au maître parmesan la dégradation des teintes que nous admirons dans le maître hollandais. La coupole de Parme, qui malheureusement est beaucoup trop élevée et qu’on ne peut étudier qu’en montant dans les combles de l’église, n’a rien à démêler avec les procédés de Rembrandt. Il est très vrai que Corrège est le seul maître italien dont la manière offre quelque parenté avec celle du maître hollandais. Cependant il ne faudrait pas abuser de cette similitude, car les procédés du maître parmesan, étudiés avec attention, ne sauraient se confondre avec les procédés du maître hollandais. Depuis le Mariage mystique de sainte Catherine que nous possédons au Louvre, jusqu’à la Vierge couronnée par le Christ, qui se voyait autrefois sous une des portes de Parme, et qui se trouve aujourd’hui dans la bibliothèque de la ville, il n’y a rien dans la manière du maître parmesan qui se puisse comparer précisément aux compositions de Rembrandt, et si ces exemples ne suffisaient pas, je citerais l’Antiope, modelée en pleine lumière. Je ne veux pas pourtant contester l’analogie qui semble relier Corrège à Rembrandt. Il est certain, en effet, que le maître parmesan a plusieurs fois noyé les contours de ses figures dans une demi-teinte que le peintre d’Amsterdam semble affectionner, il est certain qu’il a plusieurs fois suivi une méthode qui semble initier l’œil du spectateur à la méthode du maître hollandais ; mais je ne crois pas que Rembrandt ait connu Corrège : il s’est rencontré avec lui, et rien de plus. Ce n’est ni un disciple, ni un rival du maître parmesan, c’est tout simplement un génie solitaire, qui, en cheminant dans le sentier qu’il s’était frayé, a retrouvé sans plagiat ce qu’un maître illustre avait trouvé avant lui. Je ne crois pas que l’érudition la plus patiente puisse découvrir les origines de Rembrandt, et si je mentionne l’allusion faite à Corrège par plusieurs de ses biographes, c’est de ma part pure complaisance, car l’Italie n’a rien à réclamer dans le génie du maître hollandais.

Entamons maintenant l’examen des œuvres de Rembrandt. Elles sont nombreuses et variées ; les unes appartiennent à la fantaisie pure, et lors même que je réussirais à prouver qu’elles se recommandent