les archipels de la Polynésie sont devenus le théâtre. Les convicts de Sydney, les déserteurs des navires baleiniers ont infesté ces îles ; ils ont associé des populations douces et inoffensives à leurs odieux excès et à leurs sanglantes querelles : ils les en ont rendues victimes. Des tribus ont été massacrées ; des navires sont venus enlever des cargaisons de tripang et de nacre le mousquet à la main ; des exécutions sommaires ont eu lieu ; le plus chétif Européen s’est arrogé le droit de haute et basse justice sur des peuples sans défense, et toute une génération de flibustiers, sous le nom de frères de la côte, a planté le drapeau d’une ignoble tyrannie sur des archipels heureux et libres il y a moins d’un demi-siècle. On a dit non sans raison que nos navires de guerre devraient se montrer plus souvent dans ces parages ; j’ajoute que ce n’est point assez : les peuples polynésiens ne peuvent plus vivre que sous la tutelle de l’Europe ; les ressorts de leur civilisation sont brisés aujourd’hui ; ils ne sauraient plus être les naïfs sauvages que Cook nous a dépeints. Il faut les sauver du joug que des aventuriers sans mandat ont appesanti sur eux, il faut surtout les sauver des funestes passions qui les dévorent. Je souhaite ardemment, pour ma part, que la France ait son rôle dans cette œuvre providentielle ; mais si des soins plus pressans doivent la détourner d’une pareille entreprise, j’appelle de mes vœux le protectorat de toute autre puissance : il n’en est point dont l’intervention, dans ces circonstances désespérées, ne puisse être utile et tutélaire.
On n’a pas oublié sans doute le temps où la France semblait avoir conçu le projet d’assurer à son commerce quelques points de refuge et de ravitaillement dans ces mers, où l’Angleterre, l’Espagne et la Hollande s’étaient déjà emparées de toutes les positions importantes. L’île Oualan, explorée pour la première fois par un navire français, eût pu trouver place dans un système qui tendait moins à créer des colonies agricoles qu’à poser quelques jalons sur les grandes routes commerciales du globe. Cette île, que l’équipage d’un navire de guerre eût facilement tenue en respect, eût admirablement relié Taïti, Basilan et Mayotte. Je ne connais point de prétentions qui eussent pu, dans ce cas, prévaloir sur les nôtres. Notre action bienfaisante se fût étendue sur trois archipels. Les îles Carolines, les îles Gilbert et les îles Marshall auraient vu de meilleurs jours à l’ombre de notre pavillon, et peut-être le commerce du tripang, de la nacre et de l’écaille de tortue eût-il récompensé par d’importans profits la pensée généreuse qui aurait décidé notre occupation. Ce système d’expansion fut ruiné dès sa naissance par les embarras dont le protectorat de Taïti devint la source ; une nouvelle situation politique pourrait ouvrir à la France de nouveaux horizons. Si jamais le monde européen fait enfin trêve à ses stériles querelles, il n’entrera sans