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point à l’instant jusqu’à terre. La peine de mort était prononcée contre les coupables dans de secrets conclaves et exécutée mystérieusement au milieu de la nuit. De hideux licteurs rodaient dans les ténèbres, assommaient ou lapidaient les victimes qu’ils étaient parvenus à saisir, et traînaient ces horribles offrandes jusque sur les autels des dieux. On n’eût point édifié un nouveau temple sans le consacrer par quelques-uns de ces sanglans sacrifices.

Quels étaient donc ces dieux dont on courtisait ainsi la faveur ? Les Hawaiiens reconnaissaient six divinités principales, purs esprits qui habitaient la région des nuages. Ils les honoraient sous la forme de grossières idoles et leur prêtaient les passions des chefs dont ils étaient habitués à vénérer les puérils et cruels caprices. Les habitans des Sandwich avaient, comme ceux des Carolines, une idée confuse de l’immortalité de l’âme : ils croyaient que les esprits des morts erraient pendant quelque temps autour de leurs cadavres, fantômes irrités qui fuyaient, au sein des autres les plus obscurs, la lumière du jour, et en sortaient, après le coucher du soleil, pour venir étrangler leurs ennemis. Ces fantômes prenaient enfin leur vol vers la région céleste qu’habitait Wakea, le père de la race hawaiienne. Un homme avait-il observé fidèlement pendant sa vie les rites religieux, respecté le tabou, offert aux jours voulus des prières et des sacrifices, son âme obtenait de rester dans ce séjour de félicité. L’âme des mécréans au contraire, impitoyablement chassée de cet asile, était poussée par une force invincible dans l’abîme. Ces notions religieuses, qui rappellent, jusqu’à un certain point les superstitions bouddhiques, étaient étrangères à la masse du peuple. Dans l’asservissement où il vivait, le peuple n’avait guère le loisir d’égarer ses pensées au-delà de la tombe. Il laissait aux chefs et aux prêtres l’espoir d’une autre vie, et croyait à peine que de pareils soucis pussent le concerner.

L’arbre à pain et le cocotier sont les deux trésors de la Polynésie. Dans les îles où ces fruits spontanés abondent, les autres productions du sol sont un luxe à peu près superflu. Cependant aux îles Sandwich la subsistance des habitans n’eût point été assurée, s’ils n’eussent ajouté aux ressources insuffisantes de leurs côtes la culture du taro et de la patate douce. Le peuple avait donc à subir dans cet archipel, malgré la fécondité du sol et la beauté du climat, la dure loi du travail. Il lui fallait déchirer le sein de la terre et créer à l’entrée des vallées ou sur le penchant des collines des barrages destinés à rassembler les eaux qui doivent fertiliser la plaine. Ce n’était point cependant à ces soins agricoles que se bornaient les obligations de la classe inférieure. Avec ses haches de pierre, elle creusait patiemment dans de