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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/422

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rend quelquefois plus sévère à son égard ; on lui pardonne moins parce qu’on s’y intéresse davantage, et la crainte même qu’il n’échoue l’affaiblit encore et le met en péril. Bien donc que la nation anglaise ne se soit jamais repentie d’avoir été la couronne aux Stuarts pour la donner aux Nassau, des citoyens éclairés purent, en voyant les embarras du nouveau règne, les résistances des partis, leurs luttes ardentes secondées et comme animées par les institutions nouvelles, se demander avec anxiété si le grand changement de 1688 avait été nécessaire, et l’établissement d’alors, conçu pour le plus grand bien de la société. Il en avait coûté à beaucoup de consciences pour y souscrire. Ce sacrifice fait à l’utilité publique, avait-on eu raison de le faire ? C’est là de ces questions qu’on peut indéfiniment agiter et dont la solution est en grande partie du ressort des événemens. Dans l’église surtout, on se la posait avec des scrupules rétroactifs. Jacques II était détesté, mais son frère avait laissé dans le cœur des Anglais un bon souvenir qui ne s’explique guère chez un peuple aussi sensé, et il a fallu toutes les révélations de l’histoire pour ramener son nom au degré de mépris qui lui est dû. Tandis que leurs récens malheurs rendaient moins odieux le nom des Stuarts, leur habile successeur se donnait dans sa pensée une mission un peu différente de ce que la nation attendait de lui. Les grands intérêts du protestantisme, la grande cause de l’indépendance de l’Europe, menacée à ses yeux par la France, les grandes passions qui tout jeune l’avaient engagé, lui, le chef contesté d’une petite république de marchands, dans une lutte d’égal à égal contre le plus puissant monarque du monde, ne cessèrent pas de le préoccuper sur le trône de l’Angleterre autant et plus peut-être que le maintien littéral et l’heureux ménagement des institutions de son royaume. Quelquefois peut-être cette fière nation put croire que les pensées de son roi avaient un autre objet qu’elle-même, et qu’elle n’était pour lui, faut-il le dire ? qu’un instrument. Jusque dans son gouvernement intérieur, il ne fut jamais peut-être en pleine intelligence avec ceux-là même qui l’avaient appelé à la couronne. Sincèrement résolu à respecter la religion et les institutions nationales, il avait peine à concevoir qu’on prit plus de sûretés contre lui que contre les princes qui les avaient comprimées ou trahies. Jamais il n’admit que son nom, ses convictions, son avènement, sa gloire, ne fussent pas la première sauvegarde des droits du pays, et qu’on lui demandât plus qu’aux Tudors ou aux Stuarts. Il voyait une défiance injurieuse, il voyait de l’injustice et de l’ingratitude dans les précautions, dans les restrictions que chaque loi nouvelle opposait à l’exercice de son pouvoir. Habitué par tradition de famille à faire une guerre de chicane à l’esprit républicain, il croyait le retrouver dans le génie constitutionnel de