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à la chaire, au barreau, aux universités, les suppliant de jeter tous ensemble le cri de liberté.

La sensation produite par ces articles fut profonde et s’accrut encore de tout le succès qu’ils obtinrent en Angleterre, où lord Chatham, Burke et les chefs de l’opposition prêtaient leur appui moral à la résistance des colonies. John Adams acquit aussitôt une grande popularité, à laquelle il ajouta par de nouveaux écrits, et Samuel Adams seul put lui disputer le premier rang parmi les écrivains du parti populaire. La Gazette de Boston devint la directrice de l’opinion dans les colonies, le point d’appui de la résistance, et elle obtint même le dangereux honneur d’occuper d’elle, le parlement anglais. Le ministère voulut, en 1767, attirer sur l’audacieux journal les rigueurs de la législature. M. Grenville se leva un jour au sein de la chambre des communes, et déclara qu’il prenait la parole pour appeler l’attention de la chambre sur un article de la Gazette de Boston qu’il avait entre, les mains, article, qui niait formellement l’autorité législative du parlement, et où les délits de rébellion et de haute trahison étaient manifestes, et il demanda que cet article fût lu et déféré à la justice de la chambre. L’opposition combattit cette motion et parvint à la faire rejeter. Le duc de Bedford, qui fit le même jour une motion analogue au sein de la chambre des lords, n’eut pas plus de succès, et ce double échec fut l’avant-coureur du rappel de l’acte du timbre. Ce ne fut pas du reste la seule fois que la Gazette de Boston eut le privilège de défrayer les débats du parlement et la polémique des journaux anglais. Telle était l’influence que John Adams acquit par son active collaboration à la Gazette, par ses brochures, par sa participation à toutes les réunions et à toutes les démarches de l’opposition, que le gouvernement songea à le détacher du parti populaire, ou au moins à s’assurer sa neutralité. Un de ses amis les plus chers, quoique dans les rangs opposés, Jonathan Sewall, qui venait d’être nommé avocat-général du Massachusetts, fut chargé en 1768 de lui offrir le poste honorable et lucratif d’avocat-général près la cour d’amirauté. John Adams, pauvre et déjà chargé de famille, répondit par un refus.

Il faut le reconnaître d’ailleurs, la population des colonies était unanime pour repousser l’acte du timbre et toute tentative d’établir un impôt direct au profit de la métropole : les hommes les plus modérés et les plus sincèrement attachés à la domination anglaise ne se séparaient pas sur ce point de leurs compatriotes, et si les colonies du sud n’employaient pas le langage ardent et agressif de la Nouvelle-Angleterre, elles n’étaient pas moins fermes dans leurs idées de résistance. Cependant des doutes naquirent plus tard, lorsque le parlement se fut restreint à établir des taxes indirectes, des droits de douane, en invoquant la suprématie commerciale que les colonies ne lui avaient jamais déniée, et lorsqu’on entrevit une lutte violente et la possibilité d’une séparation. Alors seulement la division se mit dans les rangs des colons, et un parti nombreux, qui comprenait l’élite du barreau et du clergé, se rattacha à la mère-patrie, et lui demeura fidèle, même au prix des plus grands sacrifices et de l’exil.

Ce serait donc une erreur de penser que les droits de la métropole ne trouvèrent de défenseurs ni dans la population ni dans la presse. Aux États-Unis,