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Les sacrifices faits par l’Angleterre au milieu de la famine de l’Irlande ont été immenses. En estimant à 200 millions de francs les secours publics et les charités privées, on n’est pas au-dessus de la réalité. Toutes les formes ont été essayées pour arriver au soulagement de la misère. Une partie des fonds du gouvernement a été distribuée en purs dons, sans conditions. Ce mode de distribution n’a pas été le seul, et on a plusieurs fois changé de système. C’est ainsi qu’à une autre époque de la crise on a accordé une subvention égale au montant des sommes votées pour le soulagement de la misère par chaque grand jury de comté. Enfin, à une autre époque encore, le gouvernement avança à chaque comté de l’Irlande les sommes votées par lui, remboursables par annuités en quarante ans. Depuis cette avance, il a été créé une caisse permanente de subventions et de prêts pour stimuler le travail : de subventions, lorsque les travaux de dessèchement conduisent à l’amélioration des voies navigables anciennes ou à la construction de voies navigables nouvelles ; — de prêts, lorsque les travaux n’ont pour résultat que l’amélioration des propriétés privées. Presque partout en Irlande, les fermes ne sont ni entretenues, ni bâties par le propriétaire. Le plus souvent la demeure du tenancier n’est qu’une misérable hutte appelée cabine comme celle de l’oncle Tom. Un autre fonds spécial a été consacré, non pas à développer le crédit foncier et la dette hypothécaire (on verra comment le gouvernement anglais traite les terres hypothéquées), mais à favoriser certaines améliorations agricoles définies qu’empêchait d’effectuer le manque de capitaux. Les conditions du prêt sont 6 pour 100, intérêt et amortissement compris, et en vingt ans l’emprunteur est libéré.

La grande innovation en faveur de laquelle et contre laquelle il y a le plus à dire, c’est l’établissement d’un vaste système de charité publique. Les poor laws ont commencé à agir en Irlande en 1839. En 1846, la dépense était de plus de 10 millions ; en 1847, de plus de 20 millions ; en 1848, de près de 46 millions ; en 1849, d’environ 54 millions ; depuis, elle a diminué. Ce n’est pas tout, on a fondé trois sortes d’hôpitaux publics soutenus par des prélèvemens de sources différentes, et dans chaque circonscription limitée on a institué des dispensaires avec le traitement et les remèdes gratuits.

Enfin, au moment même où les revenus diminuaient par suite de la famine et de l’émigration, alors que la taxe des pauvres écrasait les propriétaires et les mettait hors d’état de payer les intérêts des créances hypothécaires anciennes, tout à coup les difficultés légales qui s’opposaient à l’expropriation de toute espèce de propriété ont été supprimées, et c’est dans une situation exceptionnelle accablante pour le propriétaire que s’est opérée une liquidation forcée dont les