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conséquences ont été d’amener des propriétaires nouveaux là où existaient des propriétaires obérés et de morceler les grands domaines. La cour des encumbered estates (propriétés grevées d’hypothèques) a été instituée pour juger sommairement dans tous les cas où l’intérêt de la dette dépasse le revenu réel. Elle procède immédiatement à la vente et délivre ce qu’on appelle des titres parlementaires de propriété, c’est-à-dire des titres désormais inattaquables, qui facilitent les mutations. Près d’un cinquième de la propriété irlandaise est aujourd’hui à la disposition de la cour des encumbered estates.

Telles sont les principales mesures prises par L’Angleterre pour diminuer une responsabilité que la dernière famine rendait accablante ; mais à côté de ces questions tout irlandaises, il en est d’autres plus générales qui influent également sur la situation économique de l’Irlande. De ce nombre sont le free trade, l’income tax appliquée à l’Irlande, et la distribution relative des impôts entre les deux grandes îles britanniques.

Comme tous les malheureux, les Irlandais ont l’habitude de se plaindre ; ils se plaignent généralement à raison et quelquefois à tort. En ce qui touche l’agriculture anglaise, les effets de la suppression des droits sur les céréales ont été longtemps controversés, mais il n’est pas possible de considérer le free trade comme préjudiciable à l’Irlande. Si bas que puisse tomber le prix du grain dans ce pays, il sera encore trop élevé relativement à celui de la main-d’œuvre et aux ressources du pauvre, tandis que le haut prix des bestiaux, des laines, du beurre, favorise extrêmement le fermier et le propriétaire, en augmentant dans une proportion considérable la consommation de la viande en Angleterre, le free trade accroît les bénéfices de la branche d’industrie agricole la plus importante de l’Irlande, créée par la nature pays de pâturages et destinée de plus en plus à le redevenir.

Il serait injuste d’isoler la question de l’income tax appliquée à l’Irlande d’un autre fait financier. L’établissement de cet impôt, insupportable sans doute à cause du mode de perception, mais insupportable en Angleterre comme en Irlande, a été compensé pour cette dernière par la remise des intérêts et du capital de la dette contractée envers Le trésor public pendant la famine et appelée les Consolidated annuities. Plus la localité était pauvre, plus la charge des consolidated annuities était élevée. Presque nulle dans l’Ulster, elle devenait accablante dans le Connaught. En outre elle était payée moitié par le propriétaire, moitié par le fermier ; le propriétaire était responsable pour une charge proportionnelle à la totalité du revenu de sa terre, quelles que fussent les dettes hypothécaires, et le tenancier d’un bail de 125 fr. devait payer sa quote-part. Avec l’income tax,