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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/532

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du clergé catholique : on oublie que sur tous ces points la question de sentiment est la même. C’est la puissance des émotions qu’ils éprouvent, et non l’importance du but, qui agite les hommes. Il n’était ni grand politique ni grand connaisseur du cœur humain, celui qui disait avec étonnement dans la chambre des lords : « Nous n’entendions pas parler des catholiques avant d’avoir adouci les lois contre eux ; depuis que nous les avons délivrés d’une partie de l’oppression, ils se montrent désaffectionnés. — Cela est vrai, lui a-t-on répondu ; mais cela prouve que vous avez fait trop ou trop peu ; vous n’avez aujourd’hui ni les bénéfices de la rigueur ni ceux de la douceur. Les lois qui empêchaient les catholiques d’acquérir la puissance et la richesse sont rappelées, les lois qui pouvaient les irriter subsistent. Si vous étiez déterminés à offenser les catholiques, vous auriez dû les maintenir dans leur état de faiblesse ; si vous avez pris la résolution de laisser jouir les catholiques de leurs forces naturelles, vous auriez dû cesser de les offenser ; et comme il n’est pas sur la terre un homme assez dépravé pour songer à imposer aux catholiques d’Irlande leurs anciennes chaînes, quelle absurdité de ne pas rendre leurs dispositions amicales, quand on laisse leurs bras et leurs jambes libres ? »

Les violences de l’intolérance politique et religieuse n’ont pas complètement disparu, mais c’est en général par des argumens d’une autre nature qu’on attaque aujourd’hui l’Irlande : on dit : — La famine, la dépopulation, l’expropriation, suffisent pour régénérer ce pays ; il est inutile de s’occuper d’autres questions, les fléaux matériels dispensent désormais d’être justes. -Qui parle ainsi blesse non-seulement l’honnêteté, mais méconnaît la réalité de la situation : nulle part autant qu’en Irlande les causes morales n’ont agi sur les faits matériels : c’est à la justice de réparer les maux de l’oppression, c’est l’équité seule qui peut donner la confiance et le crédit, plus que jamais nécessaires au moment d’une transformation. D’ailleurs, qu’on ne s’y trompe pas, l’Irlande n’est pas un pays vaincu par la famine et prêt à céder la place à des occupans étrangers ; beaucoup de sociétés fières de leur prospérité ne manifestent pas l’énergie et la jeunesse qui éclatent sur cette terre, dont les habitans sont destinés, dit-on, à disparaître. Si tout parait faire question en Irlande, la population, le mode de fermage, les procédés d’agriculture, l’administration, la justice, l’éducation publique, la nationalité, la religion ; si sur toutes ces questions plane le plus cruel de tous les problèmes de l’humanité, le paupérisme ; si l’on n’est d’accord que sur un point : l’étendue de la misère, — au milieu de tant de choses incertaines ou du moins débattues, il est possible de reconnaître une amélioration sensible dans l’ordre moral comme dans l’ordre matériel. Ce