employer contre elles leurs propres armes. Les Malais de Bassilan et de Soulou ne se convertiront pas plus que les Serebas et les Sakarrans de Bornéo, et l’escadre Française, par la razzia de Maloço, a rendu à la navigation de ces mers un service signalé, en même temps qu’elle a accompli un acte de légitime vengeance. Le 2 mars, nous nous éloignions des côtes de Bassilan pour reprendre dans l’archipel de la Malaisie le cours de notre pacifique mission.
S’il faut en croire le capitaine Keppel, les habitans de Soulou auraient renoncé à la piraterie. Le 27 décembre 1848, le Maeander, ayant à bord sir James Brooke, jeta l’ancre devant Soulou, et les Anglais apprirent que, peu de temps avant leur arrivée, deux navires de guerre hollandais avaient lancé quelques boulets sur la ville et brûlé plusieurs cases, entre autres celle de M. Wyndham. Sauf cet incident, il ne s’était passé dans ces parages, depuis le départ de l’escadre française, aucun fait digne d’attention. Le sultan reçut en audience, solennelle M. Brooke et les officiers du Maeander : Le capitaine Keppel nous le représente entouré de son conseil de datons et de son peuple en armes, tel que l’avaient vu précédemment M. de Lagrené et l’amiral Cécille. L’entrevue fut des plus cordiales. « Après les politesses d’usage, dit M. Keppel, la conversation fut engagée par sir James Brooke ; qui, en sa qualité de commissaire de sa majesté britannique, soumit au sultan certaines propositions relatives au commerce. Sa majesté se montra fort disposée à y accéder. Elle rappela à sir James que la famille royale de Soulou était l’obligée des Anglais, puisque l’un de ses ancêtres avait été en 1763 tiré des prisons espagnoles de Manille et rétabli sur son trône par Alexandre Dalrymple. Ce retour vers le passé était d’autant plus généreux de la part de sa majesté, que son royal ancêtre n’avait point à cette époque laissé sans récompense le service qui venait de lui être rendu, car il avait cédé au gouvernement anglais une belle île voisine de Soulou (cession dont on ne parait pas s’être prévalu), ainsi que la pointe nord de Bornéo et la pointe sud de Patawan avec les îles intermédiaires. Nous prîmes congé de sa majesté. Il ne fut point conclu de traité avec le sultan : mais sir James avait préparé les voies pour l’ouverture du commerce et pour le développement de nos relations avec les indigènes ; » Cette courte citation ne saurait passer inaperçue. On y voit poindre les prétentions des Anglais sur différentes régions fort importantes de l’archipel, prétentions qui d’un jour à l’autre deviendront plus explicites, et pourraient bien se traduire par une prise de possession. C’est ainsi que la Grande-Bretagne se crée partout des droits qu’elle tient soigneusement en réserve et qu’elle fait valoir en temps opportun ; M. Wyndham, ce paisible négociant de Soulou, qui n’oublie jamais, je le dis à son honneur, les intérêts de son pays, n’avait-il pas, de son côté, conseillé à ses amis les Malais de placer sur le pavillon de leurs pros la croix de Saint-George ; pour être reconnus et ménagés par les croiseurs anglais ? Le procédé était fort simple : cependant les Malais ne se laissèrent point séduire par la croix de Saint-George, et ils gardèrent leur pavillon. Ce détail, mentionné par le capitaine Keppel, est assez caractéristique. Le Maeander resta huit jours dans la baie de Soulou. Sir James Brooke n’avait échangé avec le sultan que des paroles et des politesses, et il n’était pas homme à se contenter de si peu. L’habile rajah de Sarawak ne se met point en campagne, sans avoir dans sa poche un traité de commerce