Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/676

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tionné ; mais ce qui va suivre la réponse de M. Durival nous donne le droit d’affirmer plus que jamais que le gouvernement donateur n’avait point entendu que Beaumarchais serait comptable de ce million envers les États-Unis.

En effet, après avoir lu la lettre de M. Durival, qui indiquait ce million comme donné le 10 juin 1776 sans autre spécification, le banquier des États-Unis, M. Grand, écrit pour avoir communication du reçu et du nom de la personne qui a touché le million. Le chef du bureau des fonds consulte M. de Vergennes et répond par un premier refus. Le banquier insiste de nouveau, alléguant sa propre responsabilité. M. Durival adresse alors au ministre un rapport secret sur cette question s’il y a lieu de fournir à M. Grand la copie qu’il demande du reçu de M. de Beaumarchais. Après avoir établi que le reçu porte que M. de Beaumarchais en rendra compte à M. de Vergennes seul, le chef du bureau des fonds conclut ainsi : « Il pourrait y avoir de l’inconvénient à fournir une arme contre M. de Beaumarchais en produisant à M. Grand la copie qu’il demande de la reconnaissance du million délivré le 10 juin 1776. » En marge du rapport, il est écrit : Référé le 5 septembre 1786, et au-dessous, également en marge, se trouve la décision de M. de Vergennes, ainsi conçue : Il ne peut pas y avoir lieu à donner la copie de la reconnaissance énoncée dans ce rapport. Conformément à cette décision du ministre, le chef du bureau des fonds répond au banquier des États-Unis par la lettre suivante :


« Versailles, 10 septembre 1786.

« Le ministre persiste, monsieur, dans l’opinion que le reçu dont vous demandez copie n’a rien de commun avec les affaires dont vous êtes chargé, et que cette pièce est inutile dans le nouveau point de vue sous lequel vous l’envisagez. Il vous est bien facile, monsieur, de prouver que la somme en question n’a point été versée dans vos mains, puisque vous n’avez commencé à être chargé des affaires du congrès qu’en janvier 1777, tandis que le reçu dont il s’agit est daté du 10 juin 1776. J’ai l’honneur d’être, etc.

« Durival. »


De ce refus du ministre, le congrès se crut suffisamment autorisé à conclure : 1° que c’était Beaumarchais qui avait reçu ce million, 2° que ce million devait être restitué par lui au congrès ; 3° que le congrès ne devait rien payer jusqu’à ce que ce mystère eût été éclairci. Toutes ces conclusions n’étaient pas également justes, car il ne s’agissait plus ici, comme dans la déclaration du ministre, en 1778, d’une réticence commandée par la politique ; le gouvernement français ne cachait plus, en 1786, qu’il avait assisté les colonies insurgées avant la rupture avec l’Angleterre, puisqu’il déclarait formellement qu’il avait donné dans ce but 3 millions avant le traité de