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contraire ; même quand la majorité lui avait été favorable, il ne savait pas dissimuler son mécontentement C’était d’ailleurs la seule pression qu’il essayât d’exercer sur son parlement, et il ne cherchait à conquérir des voix ni par la séduction de l’argent ou des honneurs, ni par aucune autre influence ; il gourmandait les opposans et ne récompensait pas même d’un mot ou d’un regard obligeant ceux qui appuyaient ses mesures. On eût dit qu’il considérait l’approbation comme une dette dont le paiement ne l’obligeait à aucune reconnaissance, et la contradiction comme une injure qui meritait punition. Ayant rayé de la constitution toute autre responsabilité que la sienne, il ne pouvait supportée qu’on s’en prît aux ministres des actes de son gouvernement : « Pourquoi mettre les ministres en cause ? disait-il à M. de Grovestins ; que sont les ministres ? Rien du tout. Je puis, si je le trouve bon, gouverner sans ministres ou mettre à la tête des départemens ministériels qui bon me semble, fût-ce même un de mes palefreniers, car c’est moi, moi seul, qui suis l’homme qui agit et qui répond des actes du gouvernement. »

Les rapports que le roi eut avec son secrétaire du cabinet, M. de Grovestins, et, dans une sphère plus élevée, avec M. de Hogendorp, mettent en relief quelques-uns des traits que nous venons d’indiquer. M. de Grovestins était fort jeune, encore plein des souvenirs du collège, nourri par des lectures nombreuses, d’une vive et ardente imagination. Il voyait le roi avec le prestige dont un souverain est entouré pour ceux qui ne considèrent les têtes couronnées qu’à travers une auréole de gloire et de génie. Il s’attachait devant lui à donner à son langage une forme plus élevée, à exprimer, comme il le dit, des pensées empruntées à Tacite ou à Marc-Aurèle. Le roi le regardait avec un mélange de surprise et de pitié, cherchait à le dresser à son allure, et, s’apercevant qu’il y perdait ses peines, dit un jour : « C’est un homme dont on ne peut rien faire. » Quant à M. de Hogendorp, il pouvait prêter au roi l’appui d’une grande popularité et d’une capacité de premier ordre. Inspirateur et instrument le plus actif du mouvement de 1813, il siégeait dans le conseil des ministres à titre de vice-président du conseil d’état. Il ne tarda pas à devenir importun. Les rois en général ont peu de goût pour ceux qui, ayant contribué, à leur élévation, peuvent prétendre à leur reconnaissance. Il faut convenir d’ailleurs que jamais deux hommes ne furent plus incompatibles. Le comte de Hogendorp, esprit vaste, aussi juste qu’étendu, plein de connaissances variées, surtout dans les matières d’économie politique et de gouvernement, joignait à ces qualités éminentes la résolution, la fermeté et le courage ; mais il avait en même temps une ambition démesurée, des mouvemens de vanité puérils et presque ridicules, le besoin de dominer, plus encore celui