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d’être écouté comme un oracle dont les moindres sentences font loi, et, ce qui était peut-être pire encore, la manie de témoigner au dehors ce besoin de domination exclusive qui se faisait sentir jusque dans sa parole lente et dogmatique et dans ses gestes d’une pédanterie qui prêtait parfois à rire. Qu’on juge de l’effet qu’il devait produire sur un roi non moins désireux de dominer, d’un caractère faible et par conséquent peu franc, empressé de se mêler de toutes choses, tourmenté d’une activité fatigante, sans but déterminé, adonné à un travail continuel de premier commis par goût et par habitude d’abord, puis par la crainte exagérée de perdre quelque parcelle de son autorité et de paraître soumis à une influence quelconque. Ni l’un ni l’autre ne possédait l’adresse et les formes conciliantes qui auraient pu permettre au ministre de subjuguer le prince sans qu’il s’en aperçût, ou au roi, en ménageant des faiblesses qui n’étaient guère que dans la forme, d’employer au profit de la chose publique les talens du seul homme d’état que lui offrissent les provinces du nord. Des rivalités privées provoquèrent les susceptibilités royales. Deux des ministres de Guillaume, hommes d’esprit, habiles à saisir les ridicules et à les livrer au persiflage ; parvinrent bientôt à rendre le comte de Hogendorp, sinon odieux, du moins incommode et gênant, surtout lorsqu’ils eurent persuadé au roi que le vice-président du conseil d’état aspirait à exercer tout le pouvoir, et que, ne le voulût-il point, sa réputation et sa capacité feraient supposer qu’il était en effet l’âme du gouvernement. La rupture éclata à propos d’un écrit politique de M. de Hogendorp que le roi, à qui il l’avait communiqué, lui défendit de publier. M. de Hogendorp ayant donné sa démission, M. Van der Duyn, son ami, fut chargé de tenter un rapprochement ; mais il reçut pour réponse ces mots qui avaient la forme sentencieuse habituelle au comte : « Le voile est déchiré et l’illusion détruite. » M. de Hogendorp continua de siéger dans la seconde chambre des états-généraux, et quoiqu’il y exerçât peu d’influence, faute de l’aménité et des manières bienveillantes qui ne sont pas moins nécessaires dans les assemblées que, dans les conseils, il y fit ombrage à Guillaume, qui essaya de l’en éloigner en demandant à M. Van der Duyn de combattre sa réélection, et, sur le refus de celui-ci, en le nommant à la première chambre, faveur intéressée sur laquelle celui qui en était l’objet ne se fit pas illusion et qu’il déclina.

Des sentimens analogues à ceux qui amenaient l’éloignement de M. de Hogendorp avaient engagé Guillaume à s’attacher, comme ministre de la justice, M. Van Maanen, dont les fautes et l’impopularité eurent une grande part aux événemens de 1830. La faveur dont il jouit eut pour origine ce qui paraissait devoir l’éloigner du nouveau roi. Autrefois zélé partisan de la république batave et par conséquent