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la France. Ses offres ou plutôt ses demandes furent repoussées. « Le succès de leurs armes, dit Torcy, les avait aveuglés au point de rejeter la paix que Louis XIV demandait aux conditions même les plus dures. »

Lorsqu’on négocie les armes à la main, on ne renonce pas en traitant à combattre ses ennemis, à leur nuire du moins et à les diviser si l’on peut. On est donc toujours exposé au reproche de mauvaise foi, surtout si l’adversaire est fier et jaloux. Lorsqu’en 1709 Louis XIV demanda à traiter, qu’il envoya presqu’à tout risque Torcy, son ministre, à La Haye, il était réduit à la dernière extrémité ; une paix glorieuse, trop glorieuse pour la grande alliance, semblait facile. Le vieux roi consentait à abandonner son petit-fils, à traiter sans lui, il ne refusait que de lui faire la guerre. On voulut l’y réduire. C’était un affront gratuit, qui révolta tout ce qu’il y avait de grand dans son âme. Il résista noblement, et, pour la première fois de sa vie, il en appela aux sentimens de son peuple. Ce beau mouvement devait avoir sa récompense. Le grand-pensionnaire Heinsius, tout rempli de l’esprit de Guillaume III, son maître et son ami ; Marlborough, avide de gloire, de richesse et de puissance ; Townshend, whig hardi et décidé, qui négociait en homme de parti peut-être plus qu’en homme d’état, avaient découragé, trompé le plénipotentiaire français pour humilier son maître. Ils haïssaient assez Louis XIV pour le soupçonner de perfidie contre l’évidence. Ils avaient assez éprouvé la fortune pour compter sur elle et s’assurer qu’ils en pouvaient abuser. Ces passions du patriotisme leur permettaient de céder à des passions moins désintéressées, et de s’obstiner dans une guerre qui faisait leur puissance et le désespoir de leurs adversaires. Il arrive souvent que, par entêtement d’amour-propre ou par routine de l’esprit, on persiste dans la politique où l’on est engagé sans regarder si l’on est suivi et si elle n’a pas cessé d’être conforme à l’intérêt de ceux mêmes dont elle a d’abord servi la fortune.

Tout en faisant d’énergiques efforts pour se défendre, Louis XIV ne s’arrêta pas dans la voie des concessions. Il les poussait jusqu’aux dernières limites, vers la fin de 1709, lorsque Townshend, voulant fixer aux négociations une limite qu’on ne pût franchir, prit sur lui de conclure avec les états-généraux le fameux traité de la Barrière. La Grande-Bretagne et la Hollande y prenaient sous leur commune et mutuelle garantie la succession protestante dans la maison de Hanovre et le maintien dans les Pays-Bas d’une ligne de forteresses qui cessaient ainsi de pouvoir être l’objet d’aucune transaction. Ce traité, qui créait un nouvel obstacle à la paix, devint en Angleterre l’objet des critiques de la presse, et une preuve souvent invoquée qu’il y avait un parti de la guerre pour la guerre. Ce parti ne put