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grand homme qui commandât les armées. « Si cela est, répondit-il, c’est à votre majesté que je le dois. » On lui montrait un libelle contre Marlborough, où il était dit que ce général avait peut-être une fois eu du bonheur. « C’est le plus grand éloge qu’on puisse faire de lui, observa le prince, puisqu’il a réussi toujours. »

Le déchaînement n’en était pas moindre contre Marlborough. L’envie profitait de ses vices contre sa gloire ; ses amis, ses lieutenans, étaient chassés de leurs emplois, ses deux filles quittaient la cour ; quant à lui, il fut censuré par la chambre des communes pour perceptions illégales ; l’orateur porta cette résolution à la reine, qui ordonna au procureur-général de poursuivre la répétition des sommes indûment perçues. La vengeance s’étendit jusqu’à Robert Walpole, secrétaire de la guerre pendant les campagnes de 1708 et de 1709. Sous un prétexte de malversation, il fut envoyé à la Tour, expulsé du parlement, et comme le bourg de Lyme-Regis le réélut, son élection fut cassée. Quoi que l’histoire ait dit de la cupidité de Marlhorough, il ne parait pas qu’il eût rien fait de plus que profiter d’abus consacrés ou tolérés par les mœurs administratives de l’époque, et quant à Walpole, sa condamnation a communément été regardée comme une vengeance de parti. Il avait fait donner sur une fourniture de fourrage cinq cents livres à trois personnes, dont l’une était Robert Mann, son agent, le père du correspondant de son fils Horace. Cette pratique assurément peu louable était commune, et rien n’indique que celui qui passe pour avoir acheté tant de monde se soit jamais vendu.

Après Marlhorough, après Walpole, le nom qui venait des premiers dans la haine du Club d’octobre était celui de Townshend. Le traité de la Barrière, regardé comme un obstacle à la paix, fut blâmé par délibération de la chambre, et lord Townshend déclaré, pour l’avoir signé sans autorisation, ennemi de la reine et du royaume. Cependant on paraissait encore agir en commun avec la Hollande. Le duc d’Ormond, nommé capitaine-général en remplacement de Marlborough, était allé prendre le commandement de l’armée de Flandre, et du consentement des états-généraux, inquiets et malveillans, les conférences d’Utrecht s’étaient ouvertes au milieu de janvier 1712. On y devait traiter de la paix générale. Saint-John avait donc atteint son but. L’effort avait été laborieux, les moyens dangereux et violens ; mais enfin le parti de la guerre avait perdu beaucoup de terrain, et c’est à l’active volonté, à l’infatigable application du secrétaire d’état qu’en revenait tout l’honneur. Ses dépêches sont encore citées comme de bons modèles de correspondance diplomatique.

Les représentans de l’Angleterre, de la France et de la Hollande parurent seuls à Utrecht. Ceux de la première étaient l’évêque de Bristol, lord du sceau privé, et le comte de Strafford. Ceux de la seconde,