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le maréchal d’Uxelles, l’abbé de Polignac et Mesnagor, commencèrent par faire leurs propositions, elles parurent insuffisantes, et cependant ils les présentaient comme les conditions auxquelles la reine Anne serait reconnue. La maladresse, pour ne pas dire plus, était insigne. Elle embarrassa les négociations, blessa l’Angleterre, compromit son gouvernement. On répandit qu’un accord secret entre les deux cours avait pu seul encourager une si insolente prétention. Sur la motion de lord Halifax, la chambre des pairs fit une adresse très vive, et le ministère fut obligé de ne point contredire la juste indignation qu’elle éprouvait pour l’honneur de la reine. Celle-ci ne put se dispenser d’en faire ses remercîmens. Ce début avait glacé le courage des plénipotentiaires. Il fallut que le secrétaire d’état le réchauffât du sien. Ce fut souvent son rôle dans tout le cours de cette affaire. En la commençant, il savait que l’intrépidité et l’opiniâtreté étaient les conditions du succès. Sans cesse obligé de ranimer l’énergie de lord Oxford ou de se passer de lui, il marcha résolument, jusqu’au terme, bravant le danger, surmontant les obstacles, et les scrupules comme des obstacles. Il reconnut bientôt qu’on satisfaisant aux convenances diplomatiques par son concert apparent avec les alliés, il devait ouvrir ou plutôt continuer avec la France une négociation séparée. Tandis qu’à Utrecht des difficultés s’élevaient, qui arrêtaient même les envoyés anglais, Saint-John s’en expliquait avec Torcy, tantôt l’engageant à céder, tantôt lui promettant de tout aplanir, imputant tous les retards aux efforts de la faction expirante de la guerre, se faisant fort de la réduire ou de la jouer. Ainsi, pendant qu’on négociait sans conclure en Hollande, Londres et Paris traitaient par correspondance, et les plénipotentiaires français ne produisaient à Utrecht aucun plan qui n’eût été préalablement communiqué à l’Angleterre. La duplicité de cette conduite allait être singulièrement aggravée par les hostilités qui reprenaient au printemps. Il était difficile et périlleux de s’entendre en se faisant la guerre, genre de débat qu’on ne peut soutenir par argumens communiqués. Le prince Eugène, à la tête des troupes allemandes et hollandaises, s’apprêtait à rentrer en campagne, et le duc d’Ormond ne pouvait se dispenser de l’y suivre avec l’armée anglaise et les auxiliaires à sa solde. Les traités obligeaient tous les contractans à une active coopération. Qu’arriverait-il cependant de la négociation, si la fortune des armes venait à changer la position respective des parties belligérantes, et surtout empirer la condition de la France ? Comment l’Angleterre retirerait-elle les concessions déjà promises, ou y amènerait-elle ses alliés ! Le parti de la paix était condamné à craindre la victoire.

Un jour, à la chambre des communes, un membre du nom de Hampden se récria sur la mollesse avec laquelle la guerre était conduite :