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sans donner là-dessus aucune explication, déclara que la reine d’Angleterre, lasse de voir la Hollande n’entrer de concert, avec elle dans aucun plan de pacification, se croyait en droit de prendre séparément ses mesures et libre de tout engagement (2 juin 1712).

Pendant ce temps, on avait eu connaissance à Londres des instructions données au duc d’Ormond. Halifax à la chambre des lords, Pulteney à celle des communes, crièrent à la trahison. « J’espère, dit Saint-John, n’être jamais taxé de trahison pour avoir agi dans le plus grand intérêt de la Grande-Bretagne. Je me glorifie de ma faible part dans cette négociation, et à quelque censure que je puisse m’exposer pour cette cause, la pure satisfaction d’avoir agi dans cette vue serait une récompense et une consolation suffisante pour tout le reste de ma vie. » L’esprit pacifique avait fait d’assez grands progrès pour que ce mot de paix fût une réponse à tout, et un vote de confiance dans les deux chambres vint donner au gouvernement tout pouvoir d’aller de l’avant. La première chose à faire était maintenant d’arriver à une suspension d’armes que Saint-John n’aurait osé consentir, si quelques points fondamentaux n’avaient été préalablement réglés. Le premier de ces points était la renonciation du roi d’Espagne à la couronne de France pour lui et ses descendans, car on ne songeait plus à le détrôner. La question, même ainsi réduite, était d’une grande difficulté. « L’aîné de la race est l’héritier nécessaire de la royauté, disait Torcy, c’est la loi de la monarchie, et nous sommes persuadés en France que Dieu seul peut l’abolir. » - « Nous voulons bien croire, répondait en français Saint-John, que vous êtes persuadés en France que Dieu peut seul abolir la loi sur laquelle le droit de votre succession est fondé ; mais vous nous permettrez d’être persuadés dans la Grande-Bretagne qu’un prince peut se départir de son droit par une cession volontaire, et que celui en faveur de qui cette renonciation se fait peut être justement soutenu dans ses prétentions par les puissances qui deviennent les garantes du traité. » Cette renonciation, péremptoirement exigée, avait enfin été obtenue de Philippe V, et cette épineuse question semblait à peu près aussi bien réglée qu’elle peut l’être là où l’on ne consulte pas ceux qui ont seuls caractère pour la régler définitivement, c’est-à-dire les peuples.

C’est de ce moment que la reine s’était déclarée affranchie de toute obligation envers ses alliés. Elle n’avait plus pour conclure l’armistice qu’à obtenir une garantie des engagemens pris avec elle. Elle l’obtint par la promesse d’ouvrir à ses troupes les portes de Dunkerque, et, une fois maîtresse de ce point, elle vint en personne communiquer au parlement les conditions générales auxquelles elle espérait la paix (6 juin 1712). C’était le fruit des efforts persévérans