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la dynastie expulsée, et cet engagement avait été scellé dans le sang. Le roi Guillaume n’avait pourtant pas perdu tout espoir. Nous l’avons vu hésitant sans cesse entre l’emploi de la force confiée au second de ses fils et un accommodement remis aux négociations de l’aîné, l’un brandissant son épée à Vilvorde, l’autre proposant la paix à Anvers. La force avait échoué, Guillaume en revint aux voies de douceur. Le 4 octobre, il nomme le prince d’Orange gouverneur des provinces méridionales du royaume, sorte de reconnaissance de la séparation administrative. Le prince est chargé de recourir aux moyens de conciliation pour rétablir l’ordre. Des ministres, des conseillers d’état lui sont adjoints. Il se rend à Anvers, qui lui est assigné pour sa résidence. Il voulait emmener avec lui M. Van der Duyn, et s’aider de la longue expérience et de la popularité de ce vieux serviteur de sa famille. Le roi ne le permit point par des raisons que M. Van der Duyn n’a pu éclaircir. Toutefois, avant de partir, le prince voulut le voir ; mais l’entrevue fut tout à fait insignifiante. Voici ce que M. Van der Duyn en raconte : « Le lundi, 4 octobre, j’eus une conversation oiseuse avec le prince d’Orange, quoique mandé expressément. Il voulait que je calmasse les esprits au sujet de son départ pour Anvers, et que j’expliquasse aux gens du nord qu’en essayant de ramener le sud, il ne les abandonnait pas. Ceci me fit entrer en matière, mais bientôt finir, m’apercevant que je parlais seul. Son altesse royale fut fort aimable, tendre même, puisque l’entretien finit par une embrassade de sa part, à laquelle je tendis bêtement la joue. Je m’en allai fort heureux d’avoir été trompé dans ma vaniteuse crainte (moi qui ai tant d’ambition !) d’être invité à l’accompagner dans ce voyage. » La mission du prince était difficile : il se trouvait en butte à la fois aux défiances des deux parties du royaume, des Hollandais qui repoussaient tout arrangement, et des Belges qui avaient prononcé la déchéance de sa dynastie. Il pensa que tous ses efforts devaient tendre à ramener ces derniers, et il s’y employa avec trop peu de ménagemens pour y réussir. On écrivait alors d’Anvers à M. de Grovestins : « Les efforts que fait ici le prince d’Orange pour conquérir la popularité n’obtiennent que du mépris. Il touche la main à tous les hommes qu’il rencontre, boit avec les soldats, leur dit qu’il est le héros de Waterloo, et fait si bien, que chaque jour il perd quelqu’un de ses partisans. » Toute l’attention du prince était exclusivement dirigée vers les militaires belges, encore à Anvers sous les drapeaux de la maison d’Orange. Les soldats hollandais, se voyant négligés, en murmuraient. Un chambellan du prince crut devoir l’en informer : « Que veulent donc ces Hollandais ? dit-il. Ne sont-ils pas tranquilles ? Ils ne comprennent donc pas que je dois tout faire pour calmer, pour gagner les Belges ! Réfléchissez que je dois travailler ici à la conservation