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de la fabrication locale. Dans l’état de concurrence qui se maintient entre les industries des Cévennes et celles d’autres localités françaises ou étrangères, les constans efforts des manufacturiers pour perfectionner leurs procédés, élargir la base de leurs opérations et s’ouvrir de nouveaux débouchés, sont ici, plus encore qu’ailleurs, absolument indispensables, si l’on veut assurer le travail et les biens moraux et matériels qui en découlent. Dans l’industrie séricicole, par exemple, tout procédé nouveau qui augmente la production profite immédiatement aux nombreux travailleurs cévenols. Des améliorations du même genre, peuvent seules exercer une salutaire influence au sein de l’agglomération nîmoise. Quand on songe à l’esprit d’invention et au bon goût qui distinguent la manufacture de Nîmes, quand on se rappelle que ce furent des ouvriers de ce pays qui, après la révocation de l’édit de Nantes, allèrent créer le tissage de la soie en Angleterre et en Allemagne, on se demande comment cette ville ne prend pas une plus large part dans le mouvement industriel de la France ; on s’étonne qu’après avoir touché à tant d’articles, elle en ait laissé dépérir un si grand nombre. Rien de plus commun que de voir faire dans cette région du midi des essais merveilleux ; mais après des résultats éclalans, on s’arrête subitement sur la route. On dirait que la fabrication ne brille que par éclairs soudains et rapides comme un feu d’artifice. Ces soubresauts continuels, ces efforts passagers et ces promptes défaillances, il faut les attribuer quelquefois à la situation géographique, mais plus souvent au fait même des hommes. Nîmes est trop éloignée du commerce parisien, ce vaste centre de la consommation intérieure. Les articles que les maisons de gros ou les grandes maisons de détail peuvent trouver à Lyon, elles ne s’inquiètent pas d’aller les chercher dans le département du Gard. La puissante fabrique lyonnaise semble placée sur la route du midi pour arrêter les affaires au passage. De plus la cité des Cévennes a le malheur de manquer d’eau durant l’été pour alimenter ses fabriques[1]. Le courage industriel, qui serait si nécessaire en pareilles circonstances, est d’ailleurs paralysé chez nos manufacturiers du bas Languedoc par cet esprit d’individualisme régnant à tous les degrés de l’échelle sociale, par le désir qu’ont tous les chefs d’établissement de se retirer des affaires le plus tôt qu’ils peuvent. Ce

  1. Depuis de longues années, on s’occupe des moyens de suppléer à l’insuffisance de la telle, mais avare source locale appelée la Fontaine, et de satisfaire ainsi à un des plus pressans besoins de la cité. Parmi divers projets qui ont été mis en avant, la restauration du vieil aqueduc romain jusqu’aux sources d’Eure, situées près d’Uzès, semble offrir le plus d’avantages. Après des lenteurs incroyables et des ajournemens sans fin, l’aide du gouvernement, récemment et formellement promise au conseil municipal lors du passage à Nîmes du chef de l’état, stimulera peut-être les efforts locaux.