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vie, et que cette ambition incroyable passait pour n’avoir échoué que par la fermeté de lord Cowper. Quant à l’aimable, à l’heureux Addison, quelques mois après, il était réélu au parlement avec la facilité qu’il rencontrait en tout. « Je crois, disait Swift, que s’il avait l’idée d’être élu roi, il serait bien difficile de le refuser. »


XIV

Mais revenons à la paix d’Utrecht. Quatre jours après qu’on eut appris qu’elle était signée, la reine tint un conseil où elle déclara Simon Harcourt pair et lord chancelier de la Grande-Bretagne, et proposa de ratifier les traités. Lord Cholmondeley et sir Richard Temple demandèrent seuls qu’on prit un peu de temps pour les examiner. Ils y perdirent, l’un sa place de trésorier de la maison royale, l’autre le commandement d’un régiment de dragons, et deux jours après la reine ouvrit en personne le parlement Elle annonça la paix, et les deux chambres votèrent des adresses de félicitation, où cependant l’approbation des traités était réservée. En effet, lorsque le traité de commerce fut soumis à la chambre, les critiques commencèrent à se faire entendre. Cette convention, universellement condamnée à l’époque où elle fut faite, honorerait aujourd’hui ses auteurs, elle était conçue dans la pensée que le commerce international était d’autant plus prospère qu’il était plus facile, et qu’en particulier celui de la France n’était pas la ruine de l’Angleterre. Les préjugés opposés à cette double pensée étaient en pleine rigueur, et un acte rendu sous Charles II avait décidé en principe que les importations françaises épuisaient le trésor de la nation, Bolingbroke, supérieur à de telles erreurs, s’était laissé guider par les conseils d’un ancien négociant très riche, maintenant un des lords commissaires du bureau du commerce, Arthur Moore, qui était en ces matières son négociateur de confiance, comme Prior en matière politique. Sa propre correspondance atteste d’ailleurs une parfaite intelligence des questions qu’il traite ; mais le public n’en était pas là. Il s’éleva une polémique très vive. De Foe, qui était lui-même fort éclairé sur les intérêts du commerce, soutint le traité dans la Revue ; il publia une brochure spéciale ; on lui attribua un pamphlet ministériel, Mercator ou le Commerce restauré, qui n’était pas de lui, et auquel les whigs répondirent par le Marchand anglais, Addison lui-même entra en lice, et imprima son petit écrit prohibitioniste. Quand la question vint au parlement, elle était perdue d’avance.

L’article 9 du traité stipulait que dans les deux mois une loi de douanes accorderait à la France le traitement des nations les plus favorisées. Cette clause, contraire aux engagemens de l’Angleterre avec