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armes, et l’honneur de l’Angleterre était engagé dans leur cause. Cependant, malgré un article du traité, Philippe V ne leur avait pas donné satisfaction. La race de Louis XIV ne pouvait être ni reconnaissante de leur conduite, ni touchée de leurs droits, et Bolingbroke, qui, dans ses dépêches officielles, les appelait une petite nation turbulente, avait réduit à quelques vaines réclamations la protection que leur devait la reine. C’était un des points les plus vulnérables de la conduite ministérielle. La foi britannique avait souffert une triste atteinte, et la question ne pouvait s’élever sans émouvoir la chambre et embarrasser le cabinet. Saisissant les dispositions de l’assemblée, lord Halifax fit voter une adresse à la reine, pour demander que le prétendant fut expulsé de Lorraine, et qu’une récompense fût promise à qui le livrerait à la justice, s’il débarquait dans un des trois royaumes ; mais diverses mesures dans le même sens ayant divisé la chambre en nombre égal, le ministère un peu raffermi obtint du parlement entier une adresse, portant approbation générale des traités de paix. Les lords de l’opposition, d’accord avec l’envoyé du Hanovre, songèrent alors à réclamer la présence de l’électeur comme duc de Cambridge. La reine y répugnait, avec une opiniâtreté suspecte, son conseil se partagea sur la question. La majorité, guidée par Bolingbroke, fut pour elle ; le lord trésorier se trouva en minorité, lui quatrième. Anne écrivit aussitôt à sa tante, l’électrice douairière Sophie, et à son cousin, pour motiver son refus, en l’engageant expressément pour la succession hanovrienne, et Oxford, qui voulait prendre ses sûretés, adressa pour son compte au prince une lettre remplie d’habiles conseils et d’un dévouement calculé. Sans doute il savait dès lors, il entrevoyait du moins qu’un plan d’administration conçu par Bolingbroke avait été soumis en haut lieu, et que son rival, secondé par lady Masham, pressé par la crainte de voir s’aggraver jusqu’au péril les infirmités de la reine, n’attendrait pas longtemps pour agir. La mort de la princesse Sophie, qui survint, ne fit que rendre la situation plus critique (28 mai 1714).

Pour hâter le dénouement, on posait des questions décisives. Sir William Wyndham, qui maintenant dirigeait les débats de la chambre des communes, se concerta avec Bolingbroke et l’évêque de Rochester pour proposer le bill qui fut appelé l’acte du schisme. Cette loi interdisait de tenir école ou de remplir les fonctions de précepteur à quiconque n’aurait pas souscrit une déclaration de conformité à la foi épiscopale et obtenu une permission de l’évêque diocésain, en prouvant qu’il avait reçu le sacrement dans l’année. Cet acte odieux, qu’un plus odieux machiavélisme pouvait seul arracher à l’indifférence philosophique de Bolingbroke, avait pour but d’abattre ces dissidens, mortels ennemis d’une seconde restauration, et d’embarrasser