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pas la leur ? En activant au pouvoir, il fallait donc qu’Oxford et Bolingbroke tentassent l’une de ces deux choses, diviser le parti whig ou gagner le parti jacobite. Sans aucun doute, la première était plus dans le génie de Harley ; il aurait aimé à s’entendre avec Somerset, avec Newcastle, avec lord Cowper et même avec lord Somers, et vers la fin de son ministère, c’est à cette politique qu’il s’efforça de revenir pour lutter contre lady Masham et Bolingbroke. Cependant, s’il ne l’abandonna jamais au fond du cœur, il ne réussit jamais à la pratiquée, et, surtout au début, il dut apercevoir qu’essayée seulement, elle le conduirait rapidement à sa perte. Un seul parti lui restait donc à prendre, tromper les jacobites pour les avoir, et il s’y employa avec cette hardiesse de fausseté qui le caractérise. Quand l’abbé Gautier fut pour la première fois envoyé en France, il vit de sa part le maréchal de Berwick, le frère naturel du prétendant et l’homme le plus considérable et le plus éclairé du parti îles Stuarts. Il lui proposa un véritable complot entre la cour de Saint-Germain et la cour de Saint-James, et un des premiers fruits de cette proposition fut un ordre envoyé de France aux jacobites de l’Angleterre d’appuyer le ministère au parlement et aux élections. Berwick raconte dans ses mémoires toute la négociation. Il dit qu’elle dura trois ans au moins, qu’Oxford se borna toujours à des assurances de dévouement et à de vagues promesses, et il conclut que l’artificieux ministre ne voulut jamais qu’acheter leur appui au prix d’une espérance. Berwick avait raison.

Voilà donc le système de défense. Il fallait l’appui des jacobites ; on ne pouvait l’obtenir qu’en les trompant, les tromper que par des promesses, leur promettre qu’une restauration. De là avec eux tous les préliminaires, et au dehors toutes les apparences d’une conspiration. Or, cette conspiration, le parti contraire, qui avait intérêt à y croire, qui l’aurait supposée s’il ne l’avait soupçonnée, devait la dénoncer au premier signe, l’exagérer et l’envenimer encore, et par là en persuader de plus en plus la réalité à ceux qui n’espéraient qu’en elle. C’est ainsi qu’on explique les illusions des jacobites, les préjugés des whigs, l’erreur du public, du parlement, du roi George et des historiens.

Ce plaidoyer peut faire acquitter Oxford. Il serait impossible de soutenir qu’à aucun moment de sa vie, sous l’empire des nécessités changeantes d’une politique de mensonge, il n’ait fait entrer dans ses plans l’hypothèse d’une restauration : il a pu s’y résigner, s’y préparer même par momens ; mais ce ne fut jamais son hypothèse de choix, jamais son projet habituel, s’il eut d’autres projets que de se maintenir et de gagner le pouvoir comme les ouvriers gagnent leur pain de chaque jour. Sa vraie pensée, sa vraie cause, c’était la succession protestante.