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sur le marché. En effet, cet établissement escompte aujourd’hui à 4 pour 100, tandis qu’en dehors de ses bureaux l’escompte est facile à 3 et demi pour 100 pour les effets de commerce, et à 3 pour les acceptations de banque. Sans doute, l’on paie aujourd’hui l’argent plus cher qu’il y a six mois, quand on emprunte à longue échéance : prenez des bons du trésor à un an, et vous receviez un intérêt de 4 et demi pour 100 ; mais les capitaux flottans, ceux qui recherchent les placemens à court terme, se livrent encore à très bas prix. L’argent que l’on met en report donne rarement 3 ou 4 pour 100. Dans certains cas, il y a bénéfice à échanger pour quinze jours ou pour un mois des actions de chemins de fer ou des titres de rente contre des espèces. Les capitalisas paient une prime, au lieu de recevoir un loyer, pour garder, tout en les plaçant temporairement, la disponibilité de leurs capitaux. D’ailleurs, si la situation a changé depuis le jour où la Banque de France a élevé à 4 pour 100 le taux de l’escompte, c’est pour s’améliorer. À cette date, le cours de la rente 3 pour 100 restait au-dessous de 73 francs ; il approchait de 75 francs ces derniers jours. Les actions des grandes lignes de chemins de fer sont cotées de 40 à 50 francs plus cher, ce qui veut dire qu’on les achète sur le pied d’un intérêt moins élevé. La confiance, qui modère le taux des profits en diminuant les risques, a pris un essor évidemment plus assuré. La Banque n’est donc pas poussée par l’opinion, ni portée par les faits, dans cette velléité d’aggraver les conditions du prêt et de l’escompte ; elle aurait bien mauvaise grâce à sonner la cloche d’alarme au moment où la sécurité semble rentrer dans les esprits.

La Banque de France a le privilège d’émettre des billets au porteur qui sont remboursables, à présentation, en espèces, et qui, sur la foi de cette garantie, font dans la circulation office de numéraire. L’usage des billets de banque, d’abord peu répandu en France, et auquel semblaient répugner les habitudes du pays, a pris une très grande extension depuis quelques années. Pour montrer à quel degré ils ont remplacé la monnaie métallique dans les transactions de chaque jour, il suffira de rappeler que le maximum des émissions, qui n’excédait pas, en 1847, la somme de 337 millions, s’élevait, vers le milieu de septembre 1852, au chiffre presque fabuleux de 690 millions de francs. À la même époque, la circulation de la Banque d’Angleterre n’atteignait pas à 600 millions.

Les banques de circulation, pour donner une large base à leur crédit bien plus que pour parer aux remboursemens éventuels qui pourraient leur être demandés, tiennent constamment en réserve un approvisionnement considérable de métaux précieux, lingots ou espèces. Quelle doit être la proportion de l’encaisse métallique à la circulation fiduciaire, si l’on veut qu’une banque soit en mesure, dans les ras extrêmes, de l’aire face aux demandes du public ? On a cherché à poser des règles dont l’expérience n’a pas tardé à démontrer l’insuffisance. Ainsi l’on croyait assez généralement qu’une banque d’émission se trouvait à couvert de tout péril, lorsque le numéraire en réserve représentait le tiers de ses émissions ; mais il a bien fallu renoncer