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à ces vaines hypothèses depuis que l’on a vu les deux plus puissans établissemens de crédit, qui sont en même temps les plus grands réservoirs de métaux précieux ; la Banque d’Angleterre et la Banque de France, dont l’encaisse égale quelquefois la circulation et descend rarement au-dessous de la moitié, faire de vains efforts, dans les crises commerciales de 1837 et de 1847, pour retenir les millions qui s’évaporaient entre leurs mains, et n’être sauvés que par un secours étranger d’une humiliante et désastreuse catastrophe. Il n’y a pas d’autre règle en ces matières qu’une prudence alerte qui mesure, sans perdre de temps, à leur origine, la portée des faits. Tout dépend en effet de l’intensité des crises. Tel établissement de crédit qui aura pris des mesures pour résister à une bourrasque commerciale sombrera dans une révolution. Les directeurs d’une banque doivent proportionner leurs ressources à la gravité du péril. Aucune combinaison scientifique ne peut remplacer pour eux le coup d’œil rapide et sûr qu’un général, avant l’action, jette sur le champ de bataille.

La situation de la Banque de France est-elle en ce moment de nature à inspirer quelques inquiétudes soit au conseil qui la dirige, soit au public ? L’encaisse métallique a-t-il subi une dépression telle qu’il y ait lieu de concevoir des doutes sur la solidité de la circulation, même pour l’avenir envisagé à une certaine distance ? Enfin, et en supposant qu’il faille s’occuper d’arrêter l’exportation du numéraire, une nouvelle élévation du taux de l’escompte serait-elle le moyen d’y pourvoir ?

Le dernier tableau mensuel que la Banque ait publié remonte au 10 novembre. La situation que ce tableau accusait est loin d’avoir alarmé l’opinion publique. À peine le Moniteur l’avait-il fait connaître, que les actions de la Banque, recherchées plus que jamais à la Bourse, ont monté de 100 fr. en quelques.jours. Les billets n’ont rien perdu de leur valeur et circulent accueillis avec la même confiance. Le crédit de la Banque n’a pas reçu la moindre atteinte et ne semble pas même menacé.

Le 10 novembre dernier, la somme Des billets mis en circulation s’élevait à –655 millions, pour la garantie desquels l’encaisse présentait encore une réserve de 331 millions. Il n’entre pas dans mon sujet d’examiner tous les élémens de l’actif pas plus que ceux du passif ; mais on jugera de l’étendue des services que rend aujourd’hui la Banque de France par ce seul fait, que le portefeuille renfermait des effets de commerce admis à l’escompte pour une valeur de 394 millions, et que les sommes avancées sur dépôt de rentes, d’actions et d’obligations de chemins de fer figuraient pour un chiffre de 145 millions : au total, environ 540 millions pour les deux chapitres. Les avances consenties à l’état depuis 1848 grossiraient encore ce compte de 70 millions.

La circulation de la Banque de France repose donc sur les meilleurs gages. Indépendamment de la réserve métallique qui les soutient, les billets représentent, jusqu’à concurrence de 400 millions, des engagemens commerciaux d’une solidité reconnue et à courte échéance, ainsi que des effets publics ou