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dom Fernand, qui a été investi de la régence en vertu d’une loi spéciale faite en 1846. Ce qu’il y a de plus singulier, c’est que des partisans de dom Miguel ont imaginé de revendiquer en faveur de ce prince le droit d’exercer la régence. Ils se fondent sur un article de la charte de 1826. Combien de fois cependant cette charte a-t-elle été modifiée depuis ! Le texte de la loi de 1846 sur la régence ne saurait d’ailleurs laisser de doute, et enfin il est permis d’ajouter que la première régence de dom Miguel l’exclut suffisamment d’une seconde ; il ne saurait donc être élevé de prétentions sérieuses : la légitimité de dom Miguel comme régent vaut sa légitimité comme roi ; mais cela suffit peut-être pour exciter quelques agitations nouvelles, d’autant plus faciles à provoquer pendant une minorité, et c’est le seul côté grave de ces prétentions dans la situation nouvelle faite au Portugal par la mort de la reine dona Maria.

Si l’Europe a la part principale dans le mouvement contemporain, si elle a, comme on vient de le voir, ses incidens, ses luttes d’opinions et d’intérêts, ses réactions, ses faits imprévus à côté même de la crise qui domine tout aujourd’hui, n’y a-t-il point en dehors de l’Europe tout un monde qui vit et qui s’agite, et dont la vie a des péripéties singulières ? Qu’on jette de temps à autre un regard sur l’Amérique du Sud : ce sont des révolutions qui se poursuivent ou qui commencent, ce sont des insurrections qui se succèdent, ce sont des guerres qui éclatent, tout cela le plus souvent factice, artificiel, et ne faisant que suspendre le développement réel de ces contrées, si inutilement fécondes jusqu’ici. Les états même réputés les plus prospères ne sont point exempts de ces tribulations. Le Pérou est un de ces états, et il n’en a pas moins encore aujourd’hui sur les bras une guerre, une véritable guerre avec la Bolivie, sans compter quelques incidens intérieurs qui ne sont pas sans signification. Comment est née la guerre entre le Pérou et la Bolivie ? La première cause est évidemment dans le mauvais vouloir de ce dernier état. Le Pérou avait un ministre dans la Bolivie, et ce ministre avait pour instructions principalement de réclamer l’exécution d’un article d’un traité de 1847, dit d’Arequipa, en vertu duquel le gouvernement bolivien s’oblige à mettre un terme à la fabrication d’une monnaie d’un aloi inférieur. Le Pérou y est d’autant plus intéressé, que, par suite des communications incessantes des deux pays, il est infesté de cette monnaie, qui jette la perturbation dans toutes les relations commerciales. La Bolivie objecte, il est vrai, que chaque état a le droit de battre monnaie comme il l’entend, et que c’est au Pérou de se préserver ; mais le plus clair, c’est qu’il y a un traité international qui prescrit la suppression de la monnaie de faible aloi, et que la Bolivie ne continue pas moins à chercher dans cette opération singulière sa principale ressource. Quoi qu’il en soit, il y a quelques mois déjà, le gouvernement bolivien expulsait d’une manière assez brutale le ministre péruvien, M. Paredès, dont les réclamations devenaient plus pressantes ; il en était de même du consul du Pérou à La Paz. De là une demande de satisfaction, des échanges d’ultimatums et une guerre de représailles commerciales qui finit par atteindre les intérêts des deux pays. La Bolivie a fait saisir des chevaux venant des provinces argentines et à la destination du Pérou, et le Pérou à son tour a fait saisir les marchandises boliviennes dans le port de transit d’Arica. En outre, des forces navales péruviennes sont allées occuper militairement Cobija, le seul port de la Bolivie sur l’Océan Pacifique. Le gouvernement péruvien, et ce n’est pas nous