Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/1153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux hommes, elle est représentée sur les sarcophages des catacombes becquetant des raisins ou buvant dans une coupe. Quelquefois aussi elle paraît les ailes étendues et portant dans son bec le rameau d’olivier, gage de la réconciliation et de la nouvelle alliance. Le cerf, altéré comme la colombe de la parole divine, boit dans les eaux du Jourdain, le fleuve du baptême. L’agneau seul avec la croix indique le Sauveur ; combiné avec l’image du bon pasteur, il exprime la communauté des fidèles. Le coq en compagnie de saint Pierre, c’est la vigilance ; avec la palme, c’est le triomphe des chrétiens sur le démon, des martyrs sur la cruauté des bourreaux païens. Le cheval palmé comme le coq, c’est le fidèle qui a combattu vaillamment pour la foi et fourni glorieusement sa carrière. Le griffon, que les dieux dans les fables du polythéisme préposaient à la garde des trésors, reparaît quelquefois sur les tombeaux des catacombes, comme pour écarter ceux qui seraient tentés de les profaner. Le dauphin, l’animal sauveur qui recueillait dans les naufrages les matelots près de périr, et portait les âmes bienheureuses aux Iles Fortunées, exprime encore dans l’art chrétien l’idée de salut et de félicité extra-terrestre. Il en est de même du scarabée, qui peignait la faculté génératrice, toujours agissante et survivant toujours à la mort, et présidait à ce titre à toutes les cérémonies funéraires des hypogées. Dans les catacombes, il exprime la vie spirituelle et le Dieu fait homme, source de cette vie. Quant aux poissons, dans lesquels on a voulu, bien à tort, retrouver un lointain souvenir du culte de Dagon, le dieu phénicien, ils sont tout simplement, par leur nom grec, ἰχθύς, le monogramme du Christ, Ἰησοῦς Χριστὸς Θεοῦ Ὑιὸς Σωτήρ.

On le voit par les exemples que nous venons de citer, le sens allégorique, dans les premiers temps, est toujours transparent et facile à saisir ; mais, en avançant à travers le moyen âge, le symbolisme s’obscurcit et se complique. Les figures se multiplient à l’infini. On s’éloigne des types offerts par la nature pour s’inspirer de préférence des traditions tératologiques et de l’Apocalypse. Comme saint Jean dans sa vision de Pathmos, les artistes évoquent dans leurs rêves des dragons à sept têtes et à dix cornes, des léopards avec des pieds d’ours et des gueules de lions, des sauterelles avec des visages d’hommes, des cheveux de femmes, des queues de scorpions et des couronnes d’or. L’homme et la bête semblent, comme dans le zoomorphisme antique, se confondre et associer les élémens divers qui composent leur nature. Sur un grand nombre d’églises de l’Allemagne, sur la cathédrale de Strasbourg, dans les vignettes de plusieurs manuscrits du Xe, XIe et XIIIe siècle, et sur un tableau de fra Angelico, qui se voit à Florence, les évangélistes sont représentés portant, au lieu de leur tête d’homme, celle de l’animal qu’on leur donne pour attribut ;