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qu’un hectare est sollicité à produire la nourriture de deux personnes, qu’un agriculteur qui porte ses produits sur le marché y trouve quatre consommateurs pour se les disputer, et que ces consommateurs, gagnant tous de forts salaires, ont de quoi payer les denrées qu’ils achètent un prix élevé. Comment l’agriculture ne prospérerait-elle pas dans de pareilles conditions ?

Il ne faut pas s’imaginer que le sol du Warwick soit partout excellent. Tout le nord du comté était autrefois une immense lande couverte de bruyères et de bois, ce qu’on appelait une forêt. Aujourd’hui la moitié des terres est en herbages et l’autre moitié en terres arables, soumises, autant que possible, à l’assolement de Norfolk ; un quart seulement du sol produit ainsi des céréales pour la nourriture de l’homme, et la fertilité de ce quart, ainsi que du reste des terres, est constamment accrue, non-seulement par l’engrais qu’y dépose une immense quantité d’animaux, mais par des masses d’engrais supplémentaires achetés dans les villes manufacturières, et transportés à peu de frais par les canaux et les chemins de fer qui traversent le pays. Il ne faut pas s’imaginer non plus que la grande culture domine dans le Warwick et dans les autres comtés industriels ; la moyenne des fermes est d’environ 60 hectares : il y en a beaucoup plus au-dessous qu’au-dessus. Enfin ce n’est pas la longueur des baux qui a beaucoup influé sur le développement agricole ; les fermes sont généralement louées à l’année ; le tevant right lui-même est inconnu. Les fermiers n’en font pas moins de grands sacrifices pour améliorer le sol qu’ils cultivent, et bien que la rente ait doublé depuis 1770, ils ne se plaignent pas de leurs propriétaires. Tout s’arrange aisément quand on gagne de part et d’autre. Les salaires profitent à leur tour de cette prospérité ; ils sont en moyenne de 2 fr. par jour de travail.

Un fermier de Warwick, dans les conditions les plus ordinaires, exploite une ferme de 60 hectares ou 150 acres, dont il paie 6,000 fr. de loyer, acquitte en outre les taxes qui s’élèvent à 1,500 fr., donne à ses ouvriers d’excellens salaires, et se fait à lui-même, sans beaucoup de peine et de souci, un revenu de 3,000 francs. Ce n’est pas sans doute un aussi grand seigneur que les opulens fermiers du Lincoln et du Norfolk ; mais pour nous, Français, qui aimons avant tout la richesse moyenne, cette organisation rurale, a quelque chose de plus satisfaisant encore, en ce qu’elle associe un plus grand nombre de familles à la prospérité commune. La terre est plus productive en somme ; le produit brut et le produit net sont l’un et l’autre un peu plus élevés, et une population plus condensée jouit d’une aisance moyenne au moins égale. Une promenade dans ce riant comté est un enchantement perpétuel ; les châteaux historiques de Kenilworth