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celles de calfat et charpentier de navires, englobent 1,350 personnes. Les ateliers des machines à vapeur et des chaudières en renferment 615, et il est question d’en créer de nouveaux[1]. Le salaire moyen de l’ouvrier du port de Toulon, qui est de 2 fr. 35 cent, par jour, ne diffère pas sensiblement de celui des ouvriers marseillais. Il est vrai qu’au bout de vingt-cinq ans de travail pour le compte de l’état, on a droit à une retraite, mais cette retraite est extrêmement minime. Un avantage plus sérieux pour les ouvriers, c’est qu’ils sont à l’abri des vicissitudes ordinaires de la vie industrielle ; les chômages se réduisent pour eux à de rares et courtes interruptions de travail, lorsque les crédits budgétaires sont trop engagés. Au premier abord, le régime disciplinaire dans les ateliers de l’état paraît soumis à des prescriptions plus minutieuses que dans les élablissemens privés ; au fond, il y est moins rigoureux. L’intérêt particulier suggère des précautions qui échappent en général aux représentans de l’intérêt public. Un mot peut résumer, sous ce rapport, le parallèle entre les ateliers de l’état et les ateliers libres : dans les premiers, on tend à se contenter d’un peu moins que le règlement n’exige ; dans les seconds, au contraire, on s’efforce d’obtenir un peu plus.

Aux différences existant dans le travail des diverses catégories d’ouvriers de la Provence correspondent des dissemblances morales qui éclatent même au milieu des traits si saillans communs à toute la population laborieuse du pays.


II. – MOEURS ET CARACTERES.

Le rapport si souvent observé entre les tendances morales et les influences du sol ou du climat ne se manifeste nulle part d’une manière plus frappante que chez les ouvriers de la région provençale. Les instincts matériels s’y développent sous l’influence d’une température ardente ; on aime avec passion tout ce qui flatte les sens, on recherche tous les plaisirs avec une ardeur singulière. Cette disposition se révèle à chaque pas dans la vie des masses ; on la voit éclater notamment au sein des fêtes patronales appelées tantôt romérages et tantôt vogues, qui sont plus multipliées ici qu’en aucun autre district de la France, et toujours extrêmement suivies ; il est d’usage de les faire annoncer pompeusement au son du fifre et du

  1. Sur les 3,000 forçats retenus encore au bagne de Toulon en 1852, malgré les transpositions opérées, un millier était au service des chantiers de construction. L’entière suppression des bagnes, en enlevant ces auxiliaires, reconnus d’ailleurs si dangereux, aura pour inévitable résultat d’augmenter le nombre des ouvriers libres, surtout celui des simples manœuvres, la besogne la plus grossière étant précisément celle qu’on impose aux forçats.