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tend sa voile et part. Lorsque ensuite la chaleur du jour a pesé sur la contrée, la terre, qui n’est pas aussi facilement pénétrée que la mer par les rayons de lumière et de chaleur du soleil, s’échauffe bien davantage, — et souvent de bonne heure dans l’après-midi les couches moins chaudes de la mer, l’emportant en poids sur les couches d’air qui reposent sur les grèves et sur les rivages brûlés d’un soleil ardent, envahissent la terre, et font la brise de mer, qui le soir ramène à la côte les barques chargées de poisson. Le moment qui amène le premier souffle de cette salutaire brise de mer, appelée dans le pays la marinade, est pour toute la nature un moment solennel. Tout bruit, tout mouvement avait cessé ; tout se taisait, jusqu’aux insectes. Le voyageur observateur sentait la curiosité même s’éteindre dans cet accablement, pareil à ceux qui, pour plusieurs semaines, suspendent la vie dans l’Inde, en rendant également pénibles et les mouvemens du corps et les opérations de la pensée. Toute la nature attendait, écrasée par le poids d’un air embrasé. Au premier souffle de la brise de mer, tout tenait, tout vit, tout est joyeux : un bien-être universel se répand dans toute la contrée, et l’on conçoit alors le kief des Orientaux. Si, comme on l’a dit bien des fois, l’homme est bien petit auprès des forces de la nature, il lui importe d’autant plus d’en connaître les lois, pour en éviter les effets dangereux, ou même pour les faire servir à son avantage. « Monsieur, me disait le chef d’une petite troupe de bohémiens errans du pays (gitanos), à qui j’arrachais avec peine quelques paroles de renseignemens près de Salces, à l’heure du plus grand paroxisme de la chaleur, croyez-moi, attachez votre cheval à cet olivier et couchez-vous à l’ombre. Avant une heure, la marinade se lèvera, et vous continuerez votre route, vous n’en serez que mieux, votre cheval et rous, et vous arriverez plus lot. » Je n’ai pas besoin de dire que je suivis son conseil. Ce bohémien me paraissait alors plus sensé que l’empereur Auguste élevant à Narbonne un temple au vent, d’ouest (Zephyrus), pour obtenir de lui qu’il lui soufflât un peu moins violemment dans les oreilles. Au reste, on peut dire que les Romains ont été de pauvres observateurs : qu’ont-ils légué à la postérité scientifique ?

Je consacrerai quelque jour une étude spéciale à nos connaissances sur l’aimantation du globe terrestre, qui se rattache à la théorie des agens impondérables, la chaleur, la lumière et l’électricité ; j’en ferai autant pour l’électricité et les orages de foudre dont l’aspect est si imposant, l’origine si simple, et les appareils préservatifs si faciles à établir. Aujourd’hui, pour terminer ce type des notions actuelles de géographie physique, je présenterai la théorie de la chaleur rayonnante, qui appartient à la fois à la chaleur et à la lumière, deux agens impondérables de la nature.