Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/1232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

veut hâter la maturité d’un fruit ou d’un légume, il le couvre d’une cloche de verre ou d’un châssis vitré. La chaleur, du soleil traverse le verre et vient échauffer la plante et le terreau où elle végète ; mais, une fois fixée dans le sol, cette chaleur ne peut plus ressortir au travers de la cloche ou du vitrage, qui devient, suivant l’expression d’un de mes auditeurs, une vraie souricière de rayons. La température s’élève beaucoup sous cet abri physique. Il y a tel cas où elle pourrait même s’élever trop haut et nuire à la planta Aussi voit-on, à l’heure de midi, les jardiniers soulever par un bord les cloches, qui, suivant leur expression, forcent les cultures. Les glaces de nos serres et les vitrages doubles produisent des effets analogues. L’expérience avait donc beaucoup appris sur les agens physiques à ceux qui employaient ces agens-là ; mais il est heureusement passé, le temps où Bacon jetait aux raisonneurs dédaigneux de l’expérience ces paroles sensées : Allez dans les ateliers, vous y trouverez plus de vraie philosophie que dans les écoles !

Quelques faits curieux vont appuyer ce que je viens d’avancer. Saussure, le grand physicien des Alpes, entreprend de concentrer la chaleur par des vitres : il couvre une boite à fond noir de plusieurs glaces. Celle boite est elle-même placée dans une autre, qui la préserve du contact des courans d’air. Un vase d’eau est placé dans la boite intérieure, et l’eau y devient bouillante. Plus récemment, sir John Herschel, soutenant, comme dit Homère, la grande renommée de son père et la sienne propre, s’exile pour plusieurs années au cap de Bonne-Espérance avec sa nombreuse et charmante famille. Il fait pour le ciel austral ce qu’il avait fait pour notre ciel du nord, il compte les étoiles doubles, les nébuleuses et les amas d’étoiles, dans cette région où notre compatriote l’abbé Lacaille, astronome de premier mérite, avait été faire, quatre-vingts ans plus tôt, d’autres observations qui ont fait honneur à la France, et qui viennent d’être réimprimées aux frais du gouvernement britannique. On est au mois de décembre, c’est-à-dire dans la saison chaude pour cette contrée du globe. Tout le monde se plaint de la chaleur. Sir John Herschel, aussi bon physicien qu’astronome éminent, a l’idée de répéter plus en grand l’expérience de Saussure. Une boite noire d’acajou d’une dimension considérable, et recouverte d’une seule glace non mastiquée, est placée dans un châssis ordinaire de jardinier, garni lui-même d’une seule vitre non mastiquée ; Le thermomètre monte à l’eau bouillante et dépasse même de beaucoup ce terme de chaleur. Alors l’illustre physicien père de famille invite ses amis et ses enfans à un déjeuner où le soleil du solstice d’hiver remplacera les fourneaux ordinaires. Une pièce de bœuf assez forte avec des légumes et des assaisonnemens (je n’ose pas dire en bon français un boeuf à la mode) est introduite