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celles de Masaccio introduisent le goût du mouvement et de la vie ; enfin, lorsque le culte de l’antique est devenu une seconde religion de l’état, lorsque l’influence des platoniciens amis de Laurent s’exerce en regard de l’autorité de Savonarole, la correction du style vient rajouter à l’élévation du sentiment. Bien peu après s’ouvre une période nouvelle où les maîtres du XVIe siècle, luttent entre eux de chefs-d’œuvre ; mais, au milieu des bouleversemens politiques, l’école est, elle aussi, livrée à l’anarchie. L’unité des tendances ne se retrouve plus dans les créations de Fra Bartolommeo, d’Andréa del Sarto, de Michel-Ange. Elle réparait, — on sait à que] prix, — chez les élèves de ce grand homme, asservis à son joug comme à celui des Médicis. Puis durant cinquante années les murailles des églises et des palais de la Toscane se couvrent de compositions avant tout fastueuses, au style enflé, aux formes excessives : témoignages sans nombre de l’abaissement de l’art, de la corruption des mœurs de la patrie et de l’opulente vanité de ses tyrans. La décadence de la peinture suit d’un pas égal la décadence nationale, et lorsque, sous les derniers Médicis, Florence énervée s’endort dans la sensualité, l’art achève de se matérialiser et tombe par l’abus du procédé dans l’extravagance, l’opprobre et la mort.

S’il suffit d’examiner les planches gravées d’après les tableaux de l’Académie pour concevoir une idée générale de la marche de l’école florentine, on ne saurait néanmoins trouver dans ce recueil tous les élémens nécessaires à l’étude approfondie de chaque époque. Les notices qui accompagnent les estampes ne contiennent que des indications succinctes, des aperçus dépourvus parfois de justesse et le plus souvent de nouveauté, et ce qui a trait en particulier aux peintres primitifs n’est pas de nature à relever beaucoup leur mérite. N’importe : la voie était ouverte et l’attention rappelée en Italie sur des œuvres si longtemps, si injustement négligées. Une critique plus sagace et des investigations plus patientes allaient achever de mettre en relief ce que l’on venait de dévoiler à demi. Encore quelques efforts, et les vrais promoteurs de la renaissance rentraient en possession de leur gloire. Parmi ces illustres oubliés, fra Angelico da Fiesole méritait d’être rendu l’un des premiers sans doute à l’admiration et au respect. Jamais artiste ne se révéla dans des ouvrages plus sincères, et peut-être aucun des grands maîtres ne se montre-t-il aussi ingénument spiritualiste, aussi profondément convaincu. Comment ce talent si pur a-t-il pu être méconnu pendant tant d’années ! comment le souvenir d’une pareille vie se réduisait-il, même à Florence, au souvenir de quelques faits sans vraisemblance ou sans valeur, et n’a-t-on pas le droit de s’étonner qu’un des hommes qui honorent le plus l’art italien ait attendu jusqu’à ce jour le tribut payé de tout temps en Italie à des artistes médiocres ? Quoi qu’il en soit, des mains pieuses ont enfin recueilli les matériaux d’une biographie complète de fra Angelico. Dans le monastère où avait vécu celui-ci et que les chefs-d’œuvres de son pinceau ornent encore, un autre fils de saint Dominique a étudié sous sa double physionomie cette chaste figure. En publiant ses Mémoires sur les artistes dominicains et bien peu après le Couvent de San-Marco, le père Marchese vengeait d’une longue indifférence la mémoire d’un saint religieux de son ordre et restituait sa place à l’un des chefs de l’école toscane.

Quoi de plus juste et de plus opportun ? Remettre sous les yeux des artistes