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les maîtres du XVe siècle. Elle eût été la conclusion et le couronnement d’une œuvre dont la Galerie de l’académie est en quelque sorte la préface et le Couvent de San-Marco le début : début qu’il faut encourager parce que, malgré certaines imperfections assez graves, il ouvre à l’art du burin une route nouvelle et l’isole des influences matérialistes qu’il subissait depuis Morghen. Certes il serait malaisé, en traduisant fra Angelico, de se laisser aller aux séductions de la manœuvre, de trouver dans ces contours si subtilement tracés, dans ce modelé si délicat, un prétexte suffisant pour entrecroiser des tailles énergiques ou faire montre de beau grain. Ici, tout ce qui tendrait à accuser le procédé doit être au contraire écarté avec un soin scrupuleux. Le travail aura le caractère d’un dessin sur cuivre plutôt que le caractère d’une gravure, à proprement parler ; mais, si simple en apparence que soit une pareille tâche, il faut pour la remplir allier à la sûreté du goût l’extrême finesse du sentiment, et savoir s’abstenir, dans l’exécution, d’une curiosité minutieuse aussi bien que d’un mode d’interprétation trop large. Les planches qui accompagnent le texte du père Marchese satisfont-elles à toutes ces conditions ? Nous ne le pensons pas, et pourtant, eu égard à la difficulté de l’entreprise, elles méritent des éloges sérieux.

Les fresques de San-Marco, telles qu’on les retrouve dans les pièces gravées par MM. Livy, Chiossone et autres élèves ou collaborateurs de M. Perfetti, ont perdu sans doute beaucoup de leur beauté intime : elles ne permettent de saisir que la partie pour ainsi dire extérieure du génie de fra Angelico, et ne révèlent pas tous les secrets de son âme ; mais peut-on exiger des lentes évolutions d’un instrument rebelle le jeu libre et l’allure rapide du pinceau ? Peut-on surtout demander à une œuvre de seconde main de nous rendre au vif l’émotion ressentie par l’auteur de l’œuvre originale, et n’est-ce pas quelque chose que d’avoir reproduit sans altération fort sensible la physionomie générale et les formes de celle-ci ? Les estampes d’après les fresques de San-Marco ont au moins ce mérite de fidélité matérielle. Les artistes qui les ont gravées, quelques autres encore ; au premier rang desquels il convient de citer M. Buonajuti, semblent vouloir prendre pour objet à peu près unique de leurs travaux les tableaux de fra Angelico : dans l’intérêt de leur talent comme dans l’intérêt du maître et de l’art lui-même, il faut désirer qu’ils ne renoncent pas à ce projet. À mesure que l’étude des modèles qu’ils ont choisis leur deviendra plus familière, ils ajouteront à l’habileté qu’ils possèdent déjà un instinct plus pénétrant du sens secret de ces modèles ; ils populariseront, au grand profit de tous, des ouvrages trop peu connus jusqu’ici et de nobles enseignemens.

Si les peintures de fra Angelico retrouvent en effet la popularité qui leur est due, la gravure aura puissamment contribué à ce progrès du goût, mais les écrits du père Marchese y auront eu aussi une part considérable. L’auteur des Mémoires et du Couvent de San-Marco n’a pas seulement voulu rassembler quelques documens authentiques et faire justice, preuves en main, des erreurs où étaient tombés les biographes de fra Angelico ; il a cherché encore à déterminer les traits principaux et les qualités essentielles de ce chaste génie. On doit regretter, nous l’avons dit, qu’il n’ait pas accompli jusqu’au bout cette seconde partie de sa tache, et qu’il ait été parfois beaucoup trop succinct dans ses aperçus ; il faut reconnaître néanmoins qu’en rapportant