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été de déplaire au roi. La conclusion était une sorte de révocation du président du couseil. Quant à la moralité, elle peut être double : cela prouve d’une part que les maîtres absolus peuvent faire des serviteurs dévoués, mais non pourvus toujours d’un sentiment suffisant de la responsabilité, et de l’autre, que quand il s’agit uniquement de complaire à une volonté, on se trompe souvent, ou risque de trop faire ou de ne pas faire assez. Un autre fait non moins curieux et qui n’est pas plus connu, c’est la négociation qui avait lieu en 1852 entre le saint-siége et le gouvernement anglais, — négociation où en définitive ce dernier n’a eu le dessus sous aucun rapport. Après la grande affaire de l’établissement de la hiérarchie épiscopale, le cabinet anglais voulait fonder une légation à Rome, et de plus il promettait une protection spéciale à l’église catholique d’Irlande, si la cour de Rome voulait diriger l’action politique de cette église dans un sens conforme aux vues du gouvernement britannique. Le saint-siége se refusait formellement à toute immixtion dans les luttes de partis en Angleterre, et quant à la fondation de la légation britiinnique à Rome, il ne la voulait admettre à aucun prix, à moins de l’abrogation du bill voté il y a quelques années, en vertu duquel le représentant du pape à Londres ne peut avoir qu’un caractère purement laïque.

Il serait facile de recueillir bien d’autres faits de ce genre ; mais c’est déjà de l’histoire qui n’est presque plus contemporaine, tant les années s’écoulent vite : c’est du passé, et le présent est là avec ses incidens nouveaux et ses crises plus récentes. On n’a qu’à ouvrir ce livre au chapitre de l’Espagne, on y trouvera le germe et les commencemens des faits qui se produisent aujourd’hui au-delà des Pyrénées. La situation présente de ce pays est du reste assez difficile à définir. Depuis deux ans, la Péninsule se trouve placée entre une pensée de réforme constitutionnelle et l’impossibilité d’accomplir cette réforme. D’un côté, la pensée a semblé subsister jusqu’ici invariablement dans les conseils du gouvernement ; de l’autre, un tel projet a rencontré une invincible opposition chez le plus grand nombre des hommes éminens du parti conservateur lui-même. La lutte se poursuit et se résout périodiquement on crises ministérielles qui jusqu’à ce moment n’ont eu aucun résultat très appréciable. Depuis la fin de 1852, trois cabinets se sont succédé, et en réalité il y a eu peu de différence dans leur politique. Lorsque M. Bravo Murillo tombait du pouvoir, ou croyait que le cabinet présidé par le général Roncali allait porter aux affaires une autre pensée, un autre esprit ; il n’en était rien cependant, et bientôt ce ministère était conduit aux mêmes extrémités que le précédent. Un nouveau cabinet se formait, à la tête duquel était le général Lersundi ; celui-ci avait-il une pensée différente, surtout plus arrêtée ? Le ministère Lersundi était animé sans doute d’intentions excellentes de conciliation ; quant à sa politique, il n’a vécu qu’à la condition de ne point s’expliquer, de ne point toucher aux questions les plus graves et les plus urgentes, telles que la convocation des cortès par exemple. Toutes les fois qu’il a voulu prendre une décision sur un point important, il s’en est suivi une dislocation ministérielle. C’est ainsi que MM. Manuel Bermudez de Castro et Claudio Moyano sont sortis successivement du cabinet. Aujourd’hui, après avoir eu la plus extrême peine à se compléter, c’est le cabinet tout entier qui disparaît ; il disparait par les mêmes causes qui ont fait toutes les crises ministérielles depuis six mois, parce qu’il n’a pu se résoudre ni à revenir purement