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le Kent et amené de nouveaux efforts, l’extension du drainage paraît destinée à transformer ces terres argileuses; mais en général les vieux erremens persistent. Tout le monde a pu remarquer, en passant, la lourde charrue du pays traînée par quatre chevaux, quand deux devraient suffire, et le reste est à l’avenant.

Quand l’île entière s’adonne à deux ou trois cultures principales en négligeant tout le reste, le Kent reste fidèle à des productions spéciales qui lui ont mérité le nom de jardin de l’Angleterre. On y récolte la moitié à peu près du houblon produit dans le royaume. Dans l’île de Thanet, on fait venir des graines de toute espèce pour les marchands grainiers de Londres. Dans les parties les plus rapprochées de la capitale, c’est la culture maraîchère en grand. On y trouve des vergers d’arbres à fruits, des champs de légumes; rien de pareil ne se voit ailleurs en Angleterre. Le nombre des maisons de plaisance pour les riches habitans de Londres y est aussi considérable. L’étendue des exploitations varie beaucoup, mais la petite et la moyenne culture dominent. Beaucoup de fermes n’ont pas plus de 10 à 15 acres ou de 4 à 6 hectares, très peu excèdent 200 acres ou 80 hectares; on en voit quelques-unes de 250 à 500, mais elles sont rares, ce qui s’explique par plusieurs causes, notamment par la législation spéciale qui régit la province.

Dans le comté de Kent, la succession immobilière du père de famille mourant ab intestat n’est pas de plein droit dévolue à l’aîné, comme dans le reste de l’Angleterre. Les terres, sauf celles qui sont exceptées par un acte spécial de la législature, sont possédées en gavelkind, c’est-à-dire partagées par égales portions entre tous les enfans mâles du père de famille mort sans testament, et, à défaut de mâles, entre ses filles. On suppose que c’était là le droit commun de l’Angleterre avant la conquête normande; il n’en est resté trace que dans le Kent et sur un petit nombre d’autres points. Cette ancienne coutume a eu pour résultat de diviser la propriété plus qu’ailleurs. Sous ce rapport capital, comme sous plusieurs autres, le Kent ressemble plus à une province française qu’à un comté anglais. Il est vrai que l’esprit national lutte contre cette disposition de la loi, ce qui n’arrive pas en France. La plupart des parens ont soin de faire un aîné par testament; d’autres ont demandé que leurs propriétés fussent placées, par des lois spéciales, sous l’empire du droit commun. Le nombre des yeomen, c’est-à-dire des propriétaires cultivant eux-mêmes, est encore assez considérable; mais cette classe d’hommes, qui ne se conserve que dans le Kent et dans quelques districts montagneux, tend là encore à s’effacer devant la nouvelle constitution de la propriété et de la culture.

Ce comté est un des plus peuplés; il contient environ 550,000