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général des hommes sans capitaux, aussi ignorans que pauvres; ils avaient à peine de quoi vivre avant la baisse des prix, aujourd’hui leur détresse est extrême. Ce n’est pas le faible taux des rentes qui fait l’aisance du fermier; partout où les rentes sont élevées en Angleterre, les fermiers font mieux leurs affaires que là où elles sont basses; tout se lie dans la pauvreté comme dans la richesse. Les machines perfectionnées sont peu répandues dans le Weald : on y bat encore au fléau. C’est aussi la seule partie de la Grande-Bretagne où l’on cultive encore avec des bœufs. Ces bœufs, d’une grande taille et d’une conformation vigoureuse, contrastent par leur aspect avec les autres races nationales; les vaches sont mauvaises laitières, comme dans toutes les races de travail. On se croirait, en le traversant, dans une de nos moins bonnes provinces.

Un des plus grands propriétaires anglais et des plus occupés d’agriculture, le duc de Richmond, a sa principale résidence, Goodwood, dans le comté de Sussex. Aussi a-t-il été un des chefs de la croisade contre le free trade.

Tout le monde sent que le Weald ne peut pas rester dans l’état où il est. Nulle part une large infusion de capital, pour parler comme sir Robert Peel, n’est plus nécessaire; mais ce capital n’est pas facile à trouver : sur les lieux, il manque absolument. Les propriétaires, n’ayant que peu de revenus, ne sont guère plus que leurs fermiers en état de faire des avances. Il faut que l’argent vienne du dehors, soit par une transformation de la culture, soit par une transformation de la propriété. De pareilles crises sont toujours douloureuses. Si les procédés de la grande culture s’introduisent, et il est bien difficile, dans l’état actuel des idées et des capitaux en Angleterre, de vaincre autrement la résistance du sol, que va devenir cette population de petits tenanciers qui s’était développée de siècle en siècle à l’abri de l’ancienne organisation agricole? Ces malheureux, qui cultivent la terre natale depuis plusieurs générations, seront forcés d’émigrer. Ainsi le veut la fatalité moderne : quiconque ne sait pas assez produire est rejeté comme un être à charge à la communauté.

Plusieurs essais heureux montrent ce que peut devenir la terre de Sussex entre des mains riches et habiles. Parmi ces modèles qui devancent l’avenir se trouve la ferme de Hove, près Brighton. Cette ferme, tenue par M. Rigden, a une étendue de près de 300 hectares (740 acres); elle est louée 1,300 livres sterl. ou 32,000 francs, ce qui porte la rente à 110 francs par hectare. Les impôts sont de 150 livres sterl. ou 3,750 francs, soit un peu plus de 12 francs par hectare; les assurances, de 2,500 francs, en tout près de 39,000 fr. Les frais d’exploitation annuels s’élèvent à 75,000 fr. ou environ 250 francs par hectare, divisés ainsi qu’il suit : salaires, 42,000 fr.;