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bout de la terre à l’autre, qui transporte par la vapeur d’eau, et bientôt peut-être par l’air chauffé, des masses énormes d’hommes et de marchandises sur la terre et sur l’océan, qui commande dans les ateliers de l’industrie à la matière inerte tant de transformations inouïes, et qui ne s’est encore qu’à peine exercée sur l’agriculture. Rien ne montre mieux les progrès que fait en Angleterre la chimie agricole qu’un quart d’heure de conversation avec le premier fermier venu. Les termes scientifiques sont déjà familiers à la plupart d’entre eux; ils parlent d’ammoniaque et de phosphate comme des chimistes de profession, et comprennent très bien quel avenir indéfini ce genre d’études peut ouvrir à la production. Les livres à bon marché se multiplient sur ces matières, des professeurs nomades, payés par souscription, les enseignent dans les campagnes. Une école spéciale et florissante de chimie et de géologie appliquées à l’agriculture existe à Londres sous la direction de M. Nesbit.

Tout près du comté de Middlesex, et sur la même rive de la Tamise, se trouve l’ancien royaume des Saxons orientaux, aujourd’hui comté d’Essex. C’est un des grands comtés de l’Angleterre, puisqu’il contient environ 1 million d’acres ou 400,000 hectares, comme ceux de Sussex et de Kent, dont il est historiquement l’égal. Nous ne le trouverons pas, malgré le voisinage de Londres, dans une situation meilleure. Le comté d’Essex, c’est là son principal malheur, est presque tout entier sur l’argile. De là, comme dans les cantons analogues de Sussex, un système d’exploitation qui a principalement les céréales pour but; de là aussi une plus grande division de la propriété et de la culture que dans les trois quarts de l’Angleterre. La moyenne des fermes y est de 50 à 100 hectares, et beaucoup d’entre elles sont cultivées par leurs propriétaires. Dans d’autres temps, l’agriculture du comté a dû à ces diverses circonstances une prospérité relative. Au commencement de ce siècle, la moyenne des rentes atteignait 60 francs par hectare, et elle s’est élevée graduellement jusqu’à 80 francs en 1845; mais cette augmentation a été suivie, depuis quelques années, d’un mouvement rétrograde qui la ramène à peu près à son point de départ. Les propriétés ont été généralement hypothéquées pour plus de la moitié de leur valeur. Les Anglais ne manquent pas de l’attribuer à la trop grande division. Quelle qu’en soit la cause, le mal est réel et a laissé les propriétaires sans défense contre la crise. Il en est résulté un assez grand nombre de ventes forcées qui ont fait laisser d’un quart ou même d’un tiers la valeur moyenne des terres. Heureusement le comté d’Essex ne manque pas plus que ses voisins d’un de ces travailleurs énergiques qui vont au-devant de l’avenir en cherchant tous les moyens de sortir des embarras du présent. Dans une de ses plus mauvaises parties, près de