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ne se reconnaissent plus qu’à ce signe. Si c’est d’un événement qu’il s’agit, on ne recherche pas ce qu’il est en lui-même, s’il est conforme au droit, à la vérité, à la justice; on commence par se demander si c’est un pas de plus ou une défaite, un temps d’arrêt de la révolution. Quel est le caractère de cette défaite, de ce temps d’arrêt, — ce n’est que la seconde question. L’intérêt de l’histoire contemporaine tout entière est dans ce drame, qui s’étend à tous les pays, embrasse hommes et choses, et va par coups de théâtre sans pouvoir aboutir jusqu’ici à un autre résultat qu’à des dénoûmens momentanés. Qu’on prenne pour exemple l’histoire de l’Espagne.

Au commencement de ce siècle, la révolution pénètre au-delà des Pyrénées à la faveur d’un soulèvement de l’héroïsme national. Elle ne naît point spontanément, comme l’expression d’un mouvement profond dans le pays; elle est recherchée et invoquée plutôt comme une alliée puissante, comme un auxiliaire naturel contre une tentative de domination étrangère et oppressive. Tant que la lutte se prolonge, la révolution s’étend et se propage; elle se personnifie dans une assemblée, celle de Cadix; elle s’inscrit dans une constitution, elle s’appelle fièrement la régénération politique de l’Espagne, elle va de succès en succès. Au premier bruit des restaurations de 1814, rien ne reste debout de tout ce qui se rattache à elle, ni les cortès auxquelles elle a soufflé son esprit, ni la constitution qu’elle a mise au monde, ni même les hommes qu’elle a fascinés. La Péninsule assiste à la résurrection du pouvoir royal entier, absolu, sans limites et malheureusement aussi sans modération, sans intelligence. La révolution semble bien morte. Voici cependant qu’un matin de 1820, elle sort d’un corps de garde et parcourt de nouveau l’Espagne, essayant de rendre la vie ou du moins l’apparence de la vie à tout ce que le souffle de 1812 avait enfanté; mais déjà l’état de l’Europe a changé : au-delà des Pyrénées, le malheur aussi a mûri bien des esprits, l’expérience les a éclairés sur la valeur de ces créations dont l’excès fait l’impossibilité. La révolution doute d’elle-même, elle n’est que faible ou violente, — violente par faiblesse. Aussi suffit-il de l’apparition d’une armée française au sommet des Pyrénées pour faire tomber cette ébullition révolutionnaire, et ici encore tout rentre dans le repos. Dix années de silence succèdent à trois années d’agitations : que faut-il pour ranimer la lutte, et pour la ranimer cette fois dans des conditions plus décisives ? Il faut que Ferdinand VII, en mourant, laisse l’Espagne en face d’une crise dynastique. La révolution se glisse par cette issue. Il y a ceci de remarquable en effet, c’est qu’à cet instant comme en 1812 il n’y a dans la révolution on Espagne rien de spontané. Elle vient encore comme un auxiliaire, comme une force à l’appui de l’une des deux royautés en présence; mais c’est un auxiliaire