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l’état des esprits. En réunissant aux singularités qu’on y observe quelques traits plus ou moins frappans, qui sont particuliers à quelques autres fabriques éparses dans le pays, nous arriverons à compléter le tableau du mouvement intellectuel parmi les populations laborieuses de l’antique Gaule narbonnaise.


I. — LODÈVE. — BÉDARIEUX. — MAZAMET.

Dans les manufactures de Lodève, de Bédarieux et de Mazamet, la laine est à peu près exclusivement employée à la fabrication du drap et de quelques étoffes analogues. La tâche des ouvriers de la draperie embrasse les manipulations les plus diverses, et il n’est pas sans intérêt d’en connaître au moins les principales. Après avoir été triées et lavées, les laines sont battues à diverses reprises pour les débarrasser des corps étrangers qu’elles peuvent contenir, et pour assouplir les filamens ; puis on les graisse avec de l’huile, afin de les rendre plus coulantes. On procède ensuite à l’opération du cardage, qui a pour objet d’allonger les fils et de les réunir en larges rubans. La filature commence immédiatement après. Lorsque les fils sont sortis des mains des fileurs, ils sont dévidés et transformés soit en écheveaux, soit en bobines. Les ourdisseurs s’en emparent alors pour disposer les chaînes, qui sont remises aux tisserands avec les fils destinés à la trame. Voici maintenant l’étoffe tissée, mais nous n’avons pas encore du drap. Il faut que le foulage soit venu accroître la solidité du tissu et lui donner de l’élasticité en tous sens. On doit aussi dégraisser les pièces, en extraire les pailles qui s’y sont glissées et réparer les accidens qui ont pu se produire dans la fabrication. On passe enfin aux apprêts, c’est-à-dire à ces opérations qui ont pour but de mettre la marchandise en état d’être livrée au commerce. Ces derniers soins, en partie toujours indispensables, sont plus ou moins multipliés, plus ou moins minutieux, suivant la qualité des draps.

Quand on veut visiter la population industrielle que sa destinée voue à ces divers travaux dans les montagnes de l’Hérault, on quitte à Montpellier le réseau des chemins de fer du midi. Pour gagner Lodève, on suit d’abord une route montueuse et sauvage où la végétation devient de plus en plus rare. Quelques chênes verts rabougris et clair-semés croissent seuls sur des pentes rapides, au bord des précipices. À mesure qu’on s’élève, des monts inégaux dressent dans le lointain leurs sommets capricieusement découpés. Dès qu’on a franchi cette muraille, le tableau change : des vallées larges et fertiles se déploient au pied des montagnes ; la route est bordée d’arbres magnifiques. Aux approches de Lodève, les hauteurs mêmes sont