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suffisante. Bien des savans ont donc pu étudier de près cette tribu étrange dont l’idiome offre les plus curieux problèmes aux investigations philologiques. Les Tcherkesses appellent le Caucase la montagne des langues; de toutes ces langues d’origines si diverses, une des plus intéressantes est la langue des Ossètes, qui semble appartenir à la famille indo-germanique et se rattacher au sanscrit. Les Ossètes ont-ils reçu par la Perse quelques vestiges de cette vieille langue zende retrouvée par la prodigieuse sagacité d’Eugène Burnouf ? ou bien est-ce par le nord qu’ils tiennent à la grande souche commune, et faut-il voir dans les Ossètes un débris des migrations germaines ? C’est sur ce point que s’exerce l’aventureuse curiosité des philologues. Le savant Jules Klaproth, qui a visité les Ossètes, a consacré d’intéressans travaux à leur langue, et plus récemment M. le docteur Rosen, auteur d’une grammaire ossète et de plusieurs mémoires-très estimés sur ces difficiles problèmes, a complété et rectifié en maints endroits le vocabulaire dressé par son devancier. Quant aux voyageurs qui ont donné sur l’état présent de ce pays les renseignemens les plus curieux, il faut citer au premier rang, outre Klaproth et M. le docteur Rosen, M. Xohl, M. Koch, professeur à l’université d’Iéna, et enfin M. Bodenstedt. M. Koch est un admirateur enthousiaste des Ossètes; M. Bodenstedt a l’avantage d’avoir comparé entre elles un grand nombre des populations caucasiennes, et son enthousiasme intelligent ne se prodigue pas au hasard. « Jamais je n’ai pu comprendre, écrit M. Bodenstedt, l’espèce de supériorité qu’on a prétendu attribuer aux Ossètes. J’ai habité leurs aouls, j’ai parcouru une grande partie de leur territoire, j’ai lu tous les ouvrages que voyageurs et savans ont publiés sur eux, et je me suis convaincu que, si les Ossètes se distinguent des autres populations du Caucase, c’est toujours à leur désavantage. Ils n’ont ni le sentiment poétique des Kabardiens, ni la loyauté chevaleresque des Adighés, ni le religieux patriotisme des compagnons de Shamyl. » M. Bodenstedt a raison : les brillantes peintures de M. Koch ne sont pas l’image de la réalité. Ce qui a attiré l’attention sur les Ossètes, ce sont les problèmes historiques dont quelques élémens se trouvaient réunis chez eux. En même temps que l’étude de leur langue emportait l’imagination au fond des premiers âges du monde, on voyait aussi dans leurs croyances religieuses les traces encore vivantes des plus anciennes transformations du genre humain. La religion des Ossètes est un mélange de paganisme oriental, d’islamisme et de christianisme. Introduit dans l’Ossétie par les missionnaires russes, le christianisme est la religion officielle du pays; mais ce christianisme n’a fait supprimer ni les pratiques musulmanes ni le culte des divinités primitives. Les Ossètes sacrifient aux idoles en