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d’analyser le détail des phénomènes sans succomber sons leur masse. Sur cette voie, il est donné à l’homme, en se montrant digne de sa haute destinée, de comprendre la nature, de dévoiler quelques-uns de ses secrets, de soumettre aux efforts de la pensée, aux conquêtes de l’intelligence, ce qui a été recueilli par l’observation.... Interroger les annales de l’histoire, c’est poursuivre cette trace mystérieuse par laquelle la même image du cosmos — qui s’est révélée primitivement au sens intérieur comme un vague pressentiment de l’harmonie et de l’ordre dans l’univers — s’offre aujourd’hui à l’esprit comme le fruit de longues et sérieuses observations. »

Telle est la tâche qu’a voulu remplir M. de Humboldt, et les premiers chapitres du Cosmos nous offrent successivement des tableaux abrégés de la terre, du ciel, de la vie organique, des considérations sur l’étude de la nature, et un essai historique sur le développement progressif de l’idée de l’univers. À ces tableaux viennent s’ajouter plusieurs centaines de pages de notes dans lesquelles brille peut-être encore plus que dans le texte la prodigieuse érudition de M. de Humboldt. Il a tout lu, tout compris, tout extrait depuis plus d’un demi-siècle. Plusieurs de ces notes sont d’admirables matériaux qui n’ont point trouvé place dans la contexture de l’ouvrage. On peut citer entre autres la réhabilitation de la mémoire d’Amérigo Vespucci, homme d’une haute science et d’une grande probité, qui n’a jamais cherché à donner son nom aux terres découvertes à l’occident de l’Espagne. Ces terres, jamais ni lui ni Christophe Colomb n’ont su qu’elles étaient un nouveau continent, un nouveau monde, étant morts l’un et l’autre avec la croyance, universelle alors, qu’ils avaient touché à la partie orientale de l’Asie. C’est un hasard malheureux et l’obscurité comparative de Christophe Colomb qui ont été funestes à sa gloire. A propos de ces notes, il est un désir que nous devons exprimer. Nous voudrions voir tous les auteurs consciencieux qui écrivent sur des sujets sérieux faire part au public des matériaux souvent très précieux qu’ils ont recueillis sans les employer, et qui éviteraient à d’autres travailleurs la peine d’aller les chercher dans les livres originaux. L’érudition de seconde main, bien plus commune qu’on ne pense, n’a rien que d’avouable quand on n’y joint pas la mauvaise foi de vouloir faire croire qu’on a soi-même puisé aux sources originales.

La partie de l’œuvre de M. de Humboldt dont nous venons d’indiquer en quelques mots les grandes lignes soulève quelques questions sur lesquelles, nous l’avons dit, nous voudrions nous arrêter avant d’arriver à la partie plus rigoureusement scientifique. « Ceux, dit Bacon, le père de l’école observatrice moderne, qui ont traité des sciences, ont été ou dogmatiques ou empiriques : les dogmatiques, semblables aux araignées, forment des toiles sans force de la