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mais tout le sable, toute la poussière des déserts de l’Afrique et de l’Asie centrale ne pourraient nombrer les étoiles des nébuleuses. Nous avons déjà dit que les deux Herschel en ont catalogué environ quatre mille. Que sera-ce quand on explorera le ciel des nébuleuses avec le télescope de lord Rosse, dont l’ouverture est celle de la prunelle de l’œil d’un géant dix à douze fois plus haut que la grande pyramide d’Egypte, et qui pourrait la tenir dans sa main !

Encore un exemple d’immensité; mais ici ce sont les siècles, et non les soleils, qui sont pour ainsi dire entassés. Tout indique dans le ciel que les élémens matériels ont marché progressivement vers une concentration de plus en plus prononcée. Les soleils se sont conglomérés aux dépens de la matière cosmique ou chaotique. Ces soleils se sont ensuite rapprochés en vertu de la grande loi de l’univers, l’attraction newtonienne, qui pousse incessamment l’une vers l’autre toutes les substances matérielles. N’y a-t-il donc point quelque trace de la marche de ces soleils se rapprochant entre eux jusqu’à ce que les mouvemens de circulation dont nous avons parlé plus haut viennent à balancer cette concentration progressive ? Oui. Nous devons à lord Rosse lui-même le dessin de plusieurs nébuleuses en spirales, c’est-à-dire disposées par traînées lumineuses qui s’arrondissent en arrivant vers le centre à peu près comme seraient les étincelles d’une pièce tournante dans un feu d’artifice, si, au lieu d’être dirigées en dehors, ces étincelles étaient projetées vers le centre de la pièce tournante. Mais ici, au moment où se présente la question du temps nécessaire pour opérer les déplacemens qui ont donné naissance à ces dispositions d’ensembles d’étoiles, l’imagination recule effrayée. Il n’y a ni années ni siècles pour de pareilles durées. Que sont même les révolutions des étoiles doubles avec leur courte période de dix à douze siècles ? Pour accomplir de tels mouvemens, il a fallu plus de milliers de siècles qu’il n’y a de soleils dans ces entassemens de soleils sans limite concevable. Beau thème pour ceux qui désirent comprendre ou peindre l’éternité !

Des métaphysiciens insatiables ont voulu dépasser encore ces limites du monde perceptible. « Nous imaginons, disent-ils, des existences de corps sans lumière, et dès lors non perceptibles à nos sens. La puissance créatrice dans la production et dans l’organisation de l’univers ayant toujours dépassé les bornes de l’intelligence de l’homme, il est évident que, puisque nous concevons d’autres existences que celles que nos sens nous révèlent, ces existences doivent être réalisées, et même qu’il doit en exister que nous ne concevons aucunement. » Je n’ai rien pour contredire à de telles théories. Passer par analogie de ce qui existe à ce qui est possible et du possible à l’inconcevable est permis en métaphysique; mais les sciences