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sur des hauteurs lointaines tourner d’autres ailes de moulin, que dans ces localités distantes il règne le même souffle de vent qui donne l’impulsion aux ailes du moulin le plus rapproché de lui.

Mais quelle curieuse chronologie que celle de ces étoiles révolutives ! Si dans tel siècle, dans telle année, la petite étoile (au méridien) est, par exemple, au-dessus de la grande, seize ans plus tard elle sera à côté et à droite; seize ans encore plus tard, la petite sera sous la grande; puis seize ans encore après, elle sera à côté, mais à gauche; enfin, au bout de soixante-quatre ans, elle aura repris sa place au-dessus de la grande étoile. C’est un véritable cadran d’horloge où la petite étoile fait fonction d’aiguille.

De pareilles périodes se montrent depuis les périodes de quelques dizaines d’années jusqu’à des périodes de plusieurs siècles; ce sont des soleils tournant autour d’autres soleils voisins, et pour la chronologie ce sont ou ce seront des cadrans d’horloges séculaires célestes, infatigables et invariables, qui des limites du monde compteront à l’humanité intelligente les ans, les siècles et les centaines de siècles. Un astronome du temps de Charles-Quint, au milieu du XVIe siècle, s’excuse de pousser ses calculs jusqu’en 1600, comme si 1600 eût été pour les nations une époque inabordable. Qu’aurait-il dit des périodes de dix siècles et plus que l’on observe dans les étoiles doubles! Bien des hommes passeront, dit Bacon, et la science s’accroîtra. Dans l’état actuel de l’astronomie, l’esprit humain a déjà fait assez de progrès pour que les phénomènes qu’il observe ne lui jettent plus le reproche d’ignorance, et par ceux qu’il a expliqués, il peut légitimement espérer d’arriver à l’explication ultérieure de ceux dont la cause lui est encore inconnue. « Félicitons-nous, dit Sénèque, des découvertes que nous avons faites, et laissons la postérité apporter son contingent à la connaissance de la vérité. »

Dans le magnifique tableau que trace le Cosmos des richesses scientifiques de l’astronomie, tableau complet jusqu’à nos jours, j’ai beau essayer d’abréger mes indications, la matière est trop riche. Encore des étoiles; mais ce sont les amas connus sous le nom de nébuleuses. Voici à l’œuvre les télescopes des deux Herschel, de M. Lassell, du comte de Rosse; voici les lunettes de Saint-Pétersbourg, des États-Unis et de Paris qui sont aussi à l’œuvre pour distinguer une à une ces étoiles entassées par la distance comme les grains de blé dans un grenier ou les grains de sable dans le désert. Rien ne résiste à la puissance de ces moyens optiques. Tous ces petits nuages blanchâtres, même celui d’Andromède, donnent des signes de décomposition en étoiles; mais qui pourrait jamais, non pas nombrer, mais imaginer même le nombre de ces soleils ? Aussi nombreux que à sable, aussi nombreux que la poussière, dit Homère;