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triangle et du cercle, du prisme et de la sphère, ont su mettre à profit toutes les richesses du langage. M. Cousin, en racontant les évolutions de la pensée humaine, a fait preuve d’une habileté rare. Comme splendeur, comme variété, le style de l’Introduction à l’histoire de la philosophie ne laisse rien à désirer. Non-seulement toutes les questions posées dans l’Inde, dans la Grèce, dans l’Italie, sont les questions élucidées avec une sagacité qu’envieraient les plus habiles dialecticiens ; mais encore la solution est présentée sous une forme vivante, qui se grave sans effort dans tous les esprits. Il est impossible de ne pas garder un souvenir fidèle de cet enseignement, tant l’auteur a pris soin de lui donner un caractère évident et persuasif. La quatrième évolution de la pensée humaine, celle qui semble devoir résister à l’analyse, le mysticisme, n’a pas trouvé, dans M. Cousin un historien moins habile que les trois autres évolutions. Depuis le Gange jusqu’au Nil, il a suivi le mysticisme pas à pas et nous l’a montré dans tout l’orgueil de son ambition, dans toute son impuissance. En un mot, il a su introduire l’émotion dans l’analyse même de la pensée.

Le travail de M. Cousin sur Pascal est d’une nature toute philosophique, bien qu’il ait plu à l’auteur de le classer parmi ses œuvres littéraires. Le rapport présenté à l’Académie française sur la nécessité de faire une nouvelle édition des Pensées, philologique au début change peu à peu de ton et n’est à, proprement parler qu’une défense en règle de la liberté de penser. Je suis loin d’y voir un sujet de reproche. Il était difficile qu’un homme voué à l’enseignement de la philosophie depuis plus de trente ans se contînt dans les limites de la philologie pure. Toutefois, avant d’aborder la défense du libre examen, M. Cousin a relevé, dans les deux éditions des Pensées de Pascal qui ont servi de modèle à toutes les éditions postérieures, des infidélités de toute nature avec une patience et une sagacité qui lui font honneur. Je dis patience, car le manuscrit de Pascal qui lui a servi de guide, est rempli d’abréviations et couvent très difficile à déchiffrer. L’édition princeps publiée en 1670 par les amis de l’auteur, c’est-à-dire par Port-Royal, offre des omissions, des altérations de sens, et même des interpolations de paragraphes entiers. L’édition publiée neuf ans plus tard par Bossuet n’a réparé ces infidélités que d’une manière très incomplète. Je n’entreprendrai pas d’énumérer toutes les altérations de sens relevées par M. Cousin et démontrées sans réplique par des citations tirées du manuscrit autographe. Je me contenterai d appeler l’attention sur un des chapitres les plus importans de Pascal, dont la vraie signification était ignorée avant le rapport présenté à l’Académie. Il s’agit, dans ce chapitre, de la règle ces paris appliquée à l’existence de Dieu ; en d’autres termes l’ami